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Track by track – “II” par Primevère

Derrière Primevère se cache Romain Bénard, qu’on a déjà eu l’occasion d’entendre dans Ropoporose, duo formé avec sa sœur, puis Namdose. Après un premier album très bien troussé, bourré de mélodies catchy, le revoilà avec “II”, prévu pour le 21 octobre, disque bien nommé mais qui n’est pas une simple itération de plus. Il confirme le talent d’un musicien qui semble préférer en permanence les chemins de traverse et vise à éviter toute répétition, sans chercher la perfection pour autant.
L’ensemble tient remarquablement la route, dans les titres les plus dépouillés comme les plus arrangés, qui ne se livrent pas toujours facilement. Ceux qui prendront la peine de s’y pencher découvriront un auteur-compositeur à part. Romain se livre sur ces douze titres, qu’en plus vous pouvez écouter en avance !


Sémiophore I

« J’ai commencé à composer cette chanson pendant le premier confinement de 2020, dans mon bureau de musique aménagé pour l’occasion des jours à occuper. J’avais envie d’un élément simple et répétitif, un orgue un peu pompier/pom-pom, qui aurait pu se retrouver sur les vieux albums de Brian Eno, que j’écoutais alors tout le temps. C’est une chanson très instinctive, un poil rudimentaire, qui s’offre comme un petit chemin de fer sur lequel je balade des images de fuite, de corps qui se cherchent, de vertiges qui s’épanouissent. C’est à mon sens une bonne entrée dans l’onirisme de l’album. »


Beside Me

« J’avais retrouvé la mélodie principale jouée à la guitare au fond de mon portable, à un moment où l’inspiration manquait. Comme souvent sur ce disque, le squelette de la chanson est une boucle mélodique autour de laquelle s’articulent et apparaissent des variations, des égrenages d’orgues, de flûtes… Les paroles sont arrivées plus tard et sont un peu circonstancielles. Je voulais évoquer une liaison ratée, quelque chose d’un peu noir. J’avais la musique de And Also The Trees en tête en composant tout ça, mais je crois que ça n’y fait pas beaucoup penser à la fin ! »


La paresse est d’or

« C’est une chanson très Velvet, assez débonnaire, contrairement à la tonalité générale de ce disque. J’y raconte un petit matin embrumé de fête, des esprits sensuels et chimiques qui flânent dans un port. J’ai été énormément séduit, l’année passée, par le disque de Thousand (interview), et sa manière de créer des images très saisissantes, factuelles et surréalistes à la fois, et puis empruntes d’une grande sensualité. Je dois bien dire que son écriture a grandement imprégné la mienne sur cette chanson. J’ai essayé d’y être assez narratif et descriptif, ce que je n’aime d’habitude pas trop faire. »


Je Marche

« Le texte et la musique de ce titre ont été composés conjointement en très peu de temps, par-dessus la boîte à rythme de mon petit synthé Casio. Je suis fier de cette correspondance et c’est un titre qui a son propre mystère, qui a rapidement pris son indépendance dans mon processus de création. J’y applique une grande pondération, il y a peu de mots, des cycles qui se répondent. J’ai essayé de m’inspirer de la délicatesse textuelle de Bertand Belin, d’être dans le mot juste, la respiration juste. »


Nos records

« Je souhaitais, pour ce deuxième album, des titres passeurs, plus mineurs,
et celui-ci en fait partie. Il a gardé sa forme d’ébauche, d’inachevé, et j’aime cette irrésolution-là. »


Love Me

« C’est ma valse tinderstickienne ! J’essaie parfois des accordages aléatoires à la guitare, ce qui peut donner des couleurs étonnantes, et permet de sortir des harmonies habituelles. Cette chanson est venue comme ça, composée par dessus une boîte à rythmes, ce que je fais finalement souvent. J’ai placé un chant indolent, un peu Stuart Staples de salle de bains, et je me suis amusé à flatter tout ça par des arrangements de saxophone, d’orgues et de xylophone. Comme un vrai compositeur ! »


Je suis à découvert

« J’ai été très inspiré, à l’époque de la composition de ce disque, par l’album “Designer” d’Aldous Harding, son minimalisme, son art de la pondération, du placement parfait. Je dois bien dire que Bertand Belin et Aldous Harding sont un peu les mètres-étalons de cet album, précisément pour ces qualités-là. “Je suis à découvert” est une chanson extrêmement simple, faite de vides et de pleins, et j’avais très envie de deux voix qui se répondent, pour introduire un peu de mouvement dans les parties vocales. La voix parfaite, pour moi, était celle de Françoiz Breut, et elle a accepté de venir faire une prise dans mon salon. Nos voix s’entrelacent, pas toujours parfaitement mais c’est ce charme-là que je cherchais, quelque chose d’hésitant, de spontané. Le morceau est doux et lumineux, et sa voix y est pour beaucoup je pense. »


Château Neuf

« C’est la chanson la plus bavarde le l’album, écrite un soir de mélancolie à propos de mon ancien chez-moi à Tours, où j’ai habité près de huit ans. J’y dépeins l’ambiance de mon quartier, le décor de mes émotions de jeunesse. C’est un titre également très minimaliste, reposant sur deux accords, donnant un caractère très chansonnier à l’ensemble. »


We Were Young

« C’est une ballade qui parle d’un ancien amour, de souvenirs amoureux, de manière un peu pastorale, un peu anglaise. J’aurais bien imaginé Neil Hannon la chanter. »


Les roses, les vignes

« Cette chanson est un peu un mystère, je ne me rappelle pas trop l’avoir composée. Le titre est tiré d’une citation de Goethe, que je n’ai jamais vraiment retrouvée par la suite, et que j’avais accroché à mon mur. Dans mon esprit la voici :
« Quand les vignes refleurissent
Le vin travaille dans les tonneaux.
Quand les roses refleurissent,
Je ne sais pas ce qui m’arrive »

Je trouve cet extrait magnifique, et je trouve ça beau de ne l’avoir jamais retrouvé, et je me suis laissé inspirer très librement, avec une écriture sous influence Françoiz Breut / Dominique A, ce qui s’entend assez je trouve. »


Neurasthénique

«En 2020, je suis tombé complètement sous le charme de l’album de Cabane, “Grande est la maison”, qui a été plébiscité par la critique musicale. Le disque est jalonné d’un thème d’arpège sublime, qui m’a longtemps hanté : “Take Me Home”. J’ai essayé, à ma manière, de composer un aussi bel arpège, en somme ! Cette partie d’arpège, en cinq temps, se répète cinq fois de suite dans le morceau, donnant cet aspect circulaire que j’affectionne tant, tandis qu’autour les arrangements changent, évoluent jusqu’à donner lieu à quelque chose d’un peu symphonique, avec des cordes, du xylophone. »


Sémiophore II

« Comme son nom l’indique, cette dernière chanson de l’album forme une boucle avec la première, et vient conclure la narration générale du disque. J’y reprends ce thème du Sémiophore qui est un peu un fil sémantique, et qui parle d’une manière obscure de la porosité du présent et du passé, des éléments marquants, autant symboliques, esthétiques que sensuels qui jalonnent, cartographient notre rapport au temps et à l’espace. Elle parle de marche, d’abandonner les faits passés, de rendre les choses que l’on doit. La chanson disparaît dans des arrangements de flûte un peu féériques, comme si l’on quittait un espace pour un autre. C’est finalement ce qui se passe, quand on termine un album. J’espère que les gens qui l’auront écouté dans son ensemble se satisferont de cette conclusion. »

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