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Sayonara Mr Sakamoto

Ryūichi Sakamoto (1952-2023) vient de nous quitter et c’est bien triste. Alors que tant de monstres sacrés, auteur cultes capitalisent sur leur passé, Ryūichi Sakamoto a continué de nous surprendre et de nous séduire jusqu’au bout. Nous sommes, d’une certaine manière, la génération Sakamoto. Une génération d’épiphanie à rebours, car lorsqu’on découvre, jeune ado, un jour par hasard à la téloche, le charme vénéneux de Merry Christmas Mr Lawrence (un Pont de la rivière Kwai qui irait trop loin ?), dont Sakamoto écrivait la bande-son chantée par David Sylvian, on y est surpris d’y voir l’idole cathodique David Bowie, détourné de son rôle de musicien-chanteur-performeur. Puis plus tard, quand on y reviendra, on découvrira la présence de Takeshi Kitano. Puis encore plus tard celle de Sakamoto. Ainsi on est dans un millefeuille ou plutôt un origami s’ouvrant de plus en plus.

Sakamoto donc, à la croisée des chemins entre l’Orient et l’Occident, entre l’organique et le numérique, la partition et l’improvisation, entre Bowie et Sylvian, entre Debussy et Alva Noto.

S’il est difficile de le cataloguer (bonheur…), on ne le cantonnera absolument pas à ses innombrables musiques de films (dans le champ Festival de Cannes), ses productions électroniques du début avec le Yellow Magic Orchestra (avec le bouillonnant et cool as ice Hosono), ou ses productions world avec Youssou N’Dour, divers musiciens brésiliens ou autres (dont les Polyphonies corses)… Ce qui nous restera, et c’est paradoxal pour un auteur dit culte, ce seront sans doutes les productions de sa fin de carrière. Là encore le parallèle avec David Sylvian ou Scott Walker opère.

On se replongera sans doute longtemps avec délices dans sa collaboration avec Alva Noto, modèle du genre d’une alliance pop-beat, piano-electro, profondeur et facilités. À partir du début “Vrioon” (en 2002), Sakamoto a labouré (avec douceur) des terres nouvelles, souvent accompagné de la crème de la scène expérimentale, improvisée et électronique (et revoilà Scott Walker, et David Sylvian…). Citons l’ensemble Modern, Christopher Willits (“Ancient Future” en 2012), Taylor Deupree ou Fennesz…

Jusqu’au bout, Sakamoto a su maintenir notre intérêt éveillé pour des formes musicales fragiles et profondes, d’“async” en 2017 jusqu’à “12” cette année. Nous vous invitons à relire les chroniques et vous replonger dans ces albums.

Ambient, pop, électro savante ou rythmée, collages, folklore, souvenirs d’académisme, Sakamoto nous aura tout fait et incarne l’union de nos goûts les plus divers. C’est pour cela que son décès nous touche tant. Plus personnellement, outre la série in-dis-pen-sa-ble Sakamoto/Noto (collection de cinq magnifiques objets, débutée à feu-Wave de la rue Keller sise à Paris), on gardera un souvenir ému de la prestation d’Alva Noto et de Sakamoto dans le décor futuriste de l’IKK d’Uppsala (Suède) en 2012. Un compte-rendu et des dessins sont visibles .

Dans “Full Moon” (sur “async”), il s’interrogeait sur le nombre de pleines lunes qu’il lui restait à voir. Il aura manqué sa dernière de quelques jours…

Sayonara Mr Sakamoto ! Ce n’est qu’un au revoir…

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