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13 essentiels : Rob Crow/Pinback

La récente sortie d’un EP en collaboration avec le fameux producteur Kramer est l’occasion d’effectuer un bilan musical du parcours fascinant du mystérieux et ultra-prolifique Rob Crow !

1999. De l’autoradio-K7 de ma voiture qui passe une compilation faite par un ami jaillit un entrelacement jouissif de deux basses sur une simple boîte à rythmes. Une voix haut perchée fredonne une mélodie captivante qui sera bientôt accompagnée de chœurs subtils et tout aussi envoûtants. Le refrain arrive, une guitare discrète vient souligner le propos : « Sad I’m gonna die, hope it’s gonna happen later, later than I think ».
Cette chanson, “Tripoli”, est extraite du premier album éponyme de Pinback, duo composé de Rob Crow (guitare, basse, chant, né en 1971) et Armistead Burwell Smith IV (basse, chœurs). C’est un jalon ! Le son Pinback est la combinaison originale d’une démarche musicale pointue inspirée du post-rock (le duo de basses des premiers Tortoise) voire à certains égards du metal, et d’une recherche exigeante du Graal pop, en particulier à travers de très belles et élégantes harmonies vocales qui seront la signature du groupe.
Ce premier album est suivi d’un EP, “Some Voices”, plus modeste mais qui témoigne à nouveau d’une
science accomplie de la composition, notamment sur “Trainer”. Sur “Penelope”, tiré de “Blue Screen Life”, le second album de Pinback (plusieurs titres de chansons du groupe sont des noms de villes ou des prénoms), un détail démontre l’osmose musicale qu’accomplit le duo : alors que la caisse claire souligne les arpèges délicats de la guitare, dans un parallèle remarquable une grosse caisse accompagne le lourd cheminement des notes de la basse.

Après une succession de projets musicaux (outre Pinback) dont nous vous épargnons la longue liste, c’est en 2003 que Rob Crow sort officiellement son premier album solo qui initiera une très belle série. L’abondance (18 titres) est la caractéristique première de “My Room Is a Mess”, que l’on imagine composé et enregistré dans une urgence musicale qui vise à figer l’éphémère. Cette immédiateté ne se fait pourtant pas au détriment du propos, comme le démontre “Torrential”. Une minute est suffisante pour installer, par le biais d’une guitare jouée en arpège, une atmosphère particulièrement attachante.

Pinback.

Ce pas de côté a-t-il été salvateur pour Rob Crow ? En tout cas, Pinback revient l’année suivante avec “Summer in Abbadon” qui, s’il ne bouleverse pas les fondations du groupe, l’enrichit encore et fait émerger un des plus beaux morceaux du duo : “Fortress”. Une boîte à rythmes toujours aussi ascétique, un chant qui narre des frustrations et la manière dont elles nous emprisonnent… A priori, pas de quoi faire un tube. Il est pourtant strictement impossible de résister à cette valse virevoltante dans lequel l’auditeur est entraîné.

Une collaboration avec le batteur d’Hella, Zach Hill, constitue pour Rob un nouveau virage musical. “The Ladies” est conforme aux attentes : une guitare et une basse ondulent sur des parties de batterie
complexes mais entraînantes. Ses détracteurs pourraient dire que Rob Crow chante toujours de la
même manière : c’est vrai, mais il est si touchant…

En 2007, Pinback sort l’album “Autumn of the Seraphs”, probablement le dernier disque vraiment marquant du groupe à ce jour. Le son est plus dense, plus maîtrisé et absolument toutes les chansons sont captivantes, malgré une pochette un peu décalée ! Une bonne partie de l’ambiguïté et du charme détaché de Rob Crow se retrouve sur son nouvel opus solo sorti la même année avec le titre “I Hate You, Rob Crow”, dans lequel son auteur répète « What’s in a name? What is your name? » après s’être rassuré « Don’t leave it out, I’m sure they will listen ».

Si je n’ai personnellement pas effectué un décompte précis, l’amateur éclairé serait probablement surpris de découvrir combien de fois Rob a utilisé exactement le même pattern rythmique sur ses morceaux ! Ceci ne l’empêche nullement de poursuivre son ambitieux travail de construction mélodique comme sur “Sophistructure”, ponctuée d’accord rageux à la guitare. En 2012, “Proceed to Memory” surnage sur un opus globalement décevant de Pinback (“Information Retrieved”) grâce à sa boucle de basse au delay entraînant qui annonce l’explosion mélodique qui porte la chanson.

Les années qui suivent sont assez dures psychologiquement pour Crow. Ce n’est pas la sortie de son nouveau disque solo sous l’étiquette Rob Crow’s Gloomy Place, le dépeignant en clown triste sous le titre sarcastique “You’re Doomed, Be Nice”, qui le sortira de sa mélancolie. Pourtant, l’album est solide et inventif. Il publie ensuite, en 2018, un beau disque décalé avec son projet Optiganally Yours (logiquement fondé sur l’utilisation de l’optigan), aux sonorités délicatement lo-fi.

2023. La collaboration avec Kramer – producteur mythique de Galaxie 500, mais aussi des Mabuses, Low, Will Oldham, Daniel Johnston, et musicien avec Bongwater ou en solo – est-elle un nouveau chapitre dans ce cheminement musical ? On peut en douter tant nous sommes en terrain connu sur cet EP. Néanmoins, difficile de bouder son plaisir à l’écoute de ces compositions sensibles et ambitieuses qui utilisent un matériau sonore enrichi de belles subtilités. Des morceaux qui donnent envie de crier : We Love You, Rob Crow !

#nuage de groupes : Broken Social Scene, The Sea & The Cake, Built To Spill, Sebadoh…

– Tripoli (“Pinback”, 1999)
– Trainer (“Some Voices”, 2000)
– Penelope (“Blue Screen Life”, 2001)
– Torrential (“My Room Is a Mess”, 2003)
– Fortress (“Summer in Abaddon”, 2004)
– Non-Threatening (“They Mean Us”, 2006)
– Good To Sea (“Autumn of the Seraphs”, 2007)
– I Hate You, Rob Crow (“Living Well”, 2007)
– Sophistructure (“He Thinks He’s People”, 2011)
– Proceed to Memory (“Information Retrieved”, 2012)
– Business Interruptus (“You’re Doomed. Be Nice”, 2016)
– Hope in Your Eyes (“O.Y. in Hi-Fi”, 2018)
– Kerosen (“Hymns”, 2023)

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