Loading...
Disques

Great Lake Swimmers – Uncertain Country

Après quelques albums un peu routiniers, les Canadiens dont le folk-rock ciselé avait enchanté les années 2000 retrouvent l’inspiration et des couleurs sur un disque inspiré par les grands espaces, refuges en ces temps anxiogènes.

“Uncertain Country” marque le retour de Great Lake Swimmers après cinq ans d’absence. Une absence que l’on peut d’ailleurs ressentir comme étant plus longue si, comme beaucoup, vous aviez délaissé le groupe à la fin des années 2000, après le sommet du quatrième album “Lost Channels”. Si les productions qui ont suivi restaient honorables, elles témoignaient d’une formation entrée dans un certaine routine, comme nous l’écrivions lors de la parution de “A Forest of Arms” en 2015. Devant la pléthore de groupe s’inscrivant dans la même veine d’un folk-rock ciselé, Great Lake Swimmers pouvait paraître débordé par des formations plus inventives telles que Fleet Foxes ou Bon Iver.

C’est donc sans forcément de grandes attentes que nous nous sommes penchés sur ce nouvel album, ce qui n’a fait qu’accroître la surprise de découvrir des morceaux qui retrouvent ce que le groupe a pu produire de meilleur. Peut-être cela est-il dû à la maturation lente d’un disque entamé il y a trois ans lors d’un voyage de Tony Dekker dans la région du lac Supérieur. Le leader et quasi unique compositeur de Great Lake Swimmers a trouvé là l’inspiration de plusieurs titres, “Uncertain Country” ou “When the Storm Has Passed” notamment, qui évoque le besoin de se ressourcer, de se déconnecter dans un monde mouvant : “Things are changing, maybe for good, I would hold on if I could, take a break, one or two, fuel yourself with something true”.

Les thèmes des onze titres et quatre interludes instrumentaux sont ainsi marqués par ce sentiment de vivre dans un univers où guerres, pandémie, crises climatiques et économiques ont instauré un sentiment généralisé d’insécurité et de perte de repères. Ces sujets sont abordés de façon allusive, oblique, et non frontalement. On pense d’ailleurs, parmi les influences connues de Great Lake Swimmers (toujours en arrière-plan l’indie rock des années 90 avec un très beau “Promise of Spring” qui ressuscite Swell), à un rapprochement évident, dans le geste comme dans la forme, avec le R.E.M. de “Lifes Rich Pageant” : celui d’un folk-rock poétique et engagé qui se souvient des guitares carillonnantes des Byrds. Cette parenté est assez évidente sur le titre “Uncertain Country” qui ouvre l’album ou sur “Swimming Like Flying”.

Pour cette chanson, Tony Dekker est rejoint au chant par Serena Ryder, membre de la chorale Minuscule. Ce groupe féminin conduit par Laurel Minnes développe depuis 2018 une approche féministe des genres folk et pop, proposant des reprises de standards ou des compositions originales dans une démarche qui a pu être rapprochée de celle d’une formation comme Choir!Choir!Choir!. Localisé dans la région de Niagara où vit également Dekker, Minuscule intervient sur plusieurs titres d’“Uncertain Country”, offrant une certaine amplitude aux compositions de Dekker. “Moonlight, Stay Above” est particulièrement emblématique de cette richesse mélodique. La titre renoue par ailleurs avec les premières chansons de Great Lake Swimmers, mais augmenté d’une assurance et d’une maturité nouvelles.

“Uncertain Country” ne renouvelle certes pas fondamentalement le style de Great Like Swimmers. Il s’inscrit plutôt comme une possible étape dans leur carrière, après un temps de pause, pour repartir sur de bases solidifiées. Le groupe canadien y apparaît en pleine possession de ses moyens, signant un album aux tonalités variées, sans faiblesse ou perte d’intensité. La voix de Tony Dekker, aux inflexions de plus en plus neilyoungiennes, y gagne en fragilité poignante.

One comment
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *