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Beauregard 2018 : de grands écarts sans trop forcer

ambiance

C’est sans doute l’un des principaux dilemmes pour les organisateurs d’un festival dès lors que celui-ci atteint une taille critique : faut-il conserver une programmation cohérente et pointue, quitte à ne rameuter qu’un public « de niche », ou ratisser plus large, au risque d’apparaître comme un fourre-tout sans ligne directrice ? Au vu des programmations de quelques rassemblements estivaux, on devine que la question s’est posée chez certains : quand Rock en Seine, malgré son nom, pioche largement dans un vivier rap et r’n’b pour ses têtes d’affiche, La Route du rock mise, elle, sur des artistes pas vraiment “indie” (Etienne Daho, Charlotte Gainsbourg, Patti Smith : une bonne pioche) mais qui ne détonnent pas trop à côté du reste.

Le souci est sans doute moindre pour Beauregard, un festival qui s’est toujours voulu fédérateur et familial, et nous a donc habitués au fil des ans aux grands écarts stylistiques.
Du 6 au 9 juillet, les vertes pelouses d’Hérouville-Saint-Clair, près de Caen, accueilleront pas mal de noms dans l’air du temps, qui touchent un public plutôt jeune : Eddy de Pretto, Nekfeu, HollySiz, Petit Biscuit, Bigflo & Oli, et évidemment Orelsan qu’on ira voir avec une certaine curiosité en raison de son double statut : star du rap français et enfant du pays (il est originaire de Caen).

Les vétérans new wave de Simple Minds devraient quant à eux attirer les parents nostalgiques de leurs années lycée. Le groupe ne jouant qu’une grosse heure malgré sa copieuse discographie, la frustration risque d’être de mise. Espérons qu’on aura droit à quelques morceaux plus expérimentaux des débuts (ou au moins de la période “New Gold Dream”), et pas uniquement aux très rebattus “Alive and Kicking”, “Don’t You (Forget About Me)” (encore que, l’effet madeleine…) ou “Mandela Day”.

Plus tôt dans la soirée, Julien Clerc, 70 ans, jouera encore moins longtemps, et plutôt pour les grands-parents. En ce cinquantenaire de Mai-68, on attend le fougueux “La Cavalerie”, son premier succès sorti au moment des événements… ce qui ne nous rajeunit pas vraiment.

Dans cette programmation pour le moins bariolée, on pêche quelques noms davantage dans nos cordes. Comme J. Bernardt, alias Jinte Deprex : l’un des deux chanteurs du groupe belge Balthazar (qui avait donné un excellent concert à Beauregard il y a cinq ans) tente l’échappée solo, à l’instar de son alter ego Maarten Devoldere (Warhaus). On lui souhaite la même réussite.
Lui succédera le vendredi (sur l’autre scène) L.A. Salami, jeune Anglais charismatique dont le premier album folk aux accents dylaniens nous avait séduits (un autre est sorti depuis).

Etant donné sa cote de sympathie, Charlotte Gainsbourg ne devrait pas avoir trop d’efforts à fournir pour se mettre le public dans la poche. Vue il y a quelques semaines en concert privé au Café de la danse, elle nous a fait bonne impression : voix et présence scénique nettement plus affirmées que par le passé, jeunes accompagnateurs bien choisis et impliqués, passé délicat finalement assumé (outre l’essentiel du dernier album, elle interprète “Charlotte Forever” et même “Lemon Incest”). On vérifiera que tout cela passe aussi bien dans le cadre moins cosy d’une grande scène en extérieur.

Entre les morceaux les plus efficaces du dernier album et les tubes du premier, MGMT a de quoi bâtir un set sans temps mort. Espérons quand même que le duo, qu’on devine fasciné par les représentants les plus étranges et cabossés de la pop, offrira quelques incartades sur des terrains moins balisés.

Si Jack White ne nous a jamais tout à fait convaincus sur disque depuis la fin des White Stripes, on le sait capable de livrer des shows dantesques et débridés. Les morceaux assez patauds et confus du nouvel album semblent avoir le potentiel pour devenir des bombes funk-rock en live. En plus, ce sera l’une de ses deux seules dates françaises en festival cet été…

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Le lendemain, samedi 7 juillet, on compte sur Black Rebel Motorcycle Club pour faire briller le cuir et hurler les guitares. A son apparition il y a une quinzaine d’années en plein “retour du rock”, on ne prédisait pas une grande carrière à ce groupe à la musique certes séduisante, mais qui semblait condamné à ressasser le passé, des Stooges aux Jesus and Mary Chain. Erreur : les Américains sont toujours là, ayant su relancer l’intérêt avec des albums inspirés à défaut d’être toujours très originaux. On ne sait pas si on retrouvera à Beauregard la puissance de leurs premiers concerts, mais un best-of exécuté à fond les manettes (à la façon des Kills au même endroit il y a deux ans) serait idéal pour bien commencer la soirée. On n’attend en revanche pas grand-chose des très anachroniques Offspring, trois heures plus tard, même si une bonne surprise est toujours possible. Enfin, Carpenter Brut puis Soulwax transformeront les pelouses en dancefloors interlopes pour notre plus grand plaisir.

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Avant de clôturer le dimanche avec le rap/r’n’b grand public de Macklemore, l’Amérique enverra quelques bataillons plus combatifs tout au long de la journée. A commencer, à 17h, par les New-Yorkais de Parquet Courts. Ces hyperactifs (un album par an en moyenne, et en tournée quand ils ne sont pas en studio), qui ont écumé pendant des années les espaces DIY et les petites salles, sont toujours à leur avantage sur scène. La production de Danger Mouse sur leur dernier album, le bien nommé et très remonté “Wide Awake!”, leur a apporté un son plus groovy sans trop arrondir les angles. Autant dire qu’on peut en attendre le meilleur.

Pour les Breeders, deux heures plus tard, on est un peu moins sûr, tant les Deal sisters ont la réputation d’être parfois erratiques (ce qui fait en partie leur charme, certes). Si elles n’abusent pas trop des cocktails au calva avant de monter sur scène, on peut quand même espérer passer un excellent moment, d’autant que le nouvel album, “All Nerve”, est un bon cru. Bien sûr, tout le monde attendra “Cannonball” et d’autres morceaux de “Last Splash” – en tout cas, ceux qui étaient déjà nés en 1993.

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Faisant chronologiquement le lien entre les deux groupes précédents, puisque leur plus fameux album, “Relationship of command”, est sorti en 2000, At the Drive-in s’est offert comme les Breeders un come-back qui a révélé les ravages du temps. Ceux-ci sont heureusement davantage visibles sur le physique des membres du groupe que sur la musique, qui fait toujours l’effet d’un coup de poing en pleine poire. Il faut avoir entendu au moins une fois dans sa vie en live “One-armed Scissor”, généralement le dernier morceau du set.

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Beauregard pourrait s’arrêter là avec le sentiment du devoir accompli, mais a décidé de s’offrir une soirée supplémentaire qui devrait faire événement. En faisant venir Depeche Mode (précédés de Concrete Knives et de Girls in Hawaii, qui vont sans doute jouer devant plus de monde que d’habitude), le festival mise gros, mais ne prend pas trop de risques. Avec U2 et The Cure, c’est le dernier groupe issu de la new wave qui draine encore un public conséquent, et toujours extrêmement fervent. Cela fait longtemps qu’on n’attend plus chaque nouvel album comme le messie, mais les concerts de Depeche Mode restent des moments de communion uniques. Et reconnaissons que terminer un festival avec les auteurs de “Black Celebration” et “Enjoy the Silence”, c’est quand même la classe.

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