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Disques

My North Eye – II

My North Eye - II

Au fond, Yann Lafosse est un écorché. Qu’il y ait quelque chose de pourri au royaume de Danemark, tout le monde le sait. Qu’on nous ait claqué, manu militari, la porte du Jardin d’Eden au nez il y a bien longtemps, ok. Que Yann porte en lui quelque chose de sombre, on le sait, pour notre humble part, depuis le post-rock de Dirge. Il y a eu des hauts (« Where (No One has a name) », « Rebecca »), il y a eu des bas (« Gospel », « My North Eye Lp »), il y a maintenant le fond du gouffre. Ou plutôt, et ce n’est pas forcément mieux, le chemin de croix. Je ne me prononcerai pas sur la sincérité de ce folk rock mais ça sent sacrément le sapin. Disons une belle petite douleur bien sourde, couvée au chaud et que les multiples expédients (« How Many ? ») n’arrivent pas à soulager. Attention, ici pas de plainte geignarde, on est dans le volume, l’épaisseur de la noirceur. Yann a, quand même, le choix des armes : la répétition, l’harmonium, le feedback. À chacun son pal, à chacun son grill.

Pour notre part, quitte à choisir, on prendra les coups de fouets administrés par l’ami Ben Chasny, qui prend la place de la belle Nico, invitée de marque (de piquouzes) des enregistrements précédents et on proposera au Pape François « Aufhebung » comme musique d’accompagnement pour la Passion des prochaines fêtes de Pâques. Je ne sais pas si ça l’aidera beaucoup à porter sa croix en polystyrène mais ça rajeunira peut-être le public.

C’est la pièce centrale, c’est le douloureux épicentre, peut-être même la raison d’être du disque. C’est plein de rage, de violence, de beauté. Ça s’écoute religieusement en tout cas, comme tout drone. Dans une interview pour le fanzine de luxe Équilibre Fragile, Yann disait ne pas se la raconter en faisant croire qu’il comprenait la musique répétitive. II en est la preuve inverse et concrète. C’est que cela se ressent plus que cela ne se comprend. Kant à nous, c’est plutôt Hegel qui nous désarme…

Yann a littéralement sculpté ses titres avec des cris et des déchirements échappés (librement ? sauvagement ?) des amplis et qui surprennent l’écoute ici ou là quand ce n’est pas une grosse caisse shamanique, au battement cardiaque régulier (« S.A.D ») qui vient tenter d’exorciser une énième douleur.

Tout cela est très physique (là encore, désolé, Lamonte Young !), tellurique même et si j’étais Yann Lafosse, j’enverrai un exemplaire de ce « II » à Six Organs of Admitttance ou aux babos de Louisville. Je crois qu’ils seraient contents et, peut-être honorés, d’avoir une si belle descendance.

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