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Disques

Jeffrey Lewis – City and Eastern Songs

JEFFREY LEWIS – City And Eastern Songs
(Rough Trade / Pias) [site] – acheter ce disque

JEFFREY LEWIS - City And Eastern SongsEntre Jeffrey Lewis et moi, l’entente suivit immédiatement la rencontre. Quelques minutes à peine d’une chanson entendue par hasard en 2003 m’invitèrent à penser que ce jeune songwriter new-yorkais allait se tailler une place de choix dans ma discothèque, avant que "It’s the One Who’ve Cracked That the Light Shines Through" ne monopolise en effet tout à fait ma platine. Deux ans plus tard, l’attente des retrouvailles est logiquement mêlée de fébrilité et d’angoisse pour ce troisième album dont on pressent à l’avance qu’il aura du mal à égaler le second, tout en présentant tout de même l’incomparable avantage d’être un "nouveau disque de Jeffrey Lewis". Mais l’erreur est là. Car ce n’est pas à Jeff seul qu’on a affaire ici mais à deux frères, qui font de la musique ensemble, avec un même enthousiasme depuis belle lurette. Car sur ce disque plus que sur les précédents, la complicité de Jack Lewis, bassiste sauvage au regard particulièrement vitreux et à la sensibilité punk, est évidente et cruciale. On est averti dès les premières mesures : à la place des accords de la vieille guitare folk attendue, c’est un riff électrique qui nous accueille pour nous introduire dans une première chanson à la mélodie basique, relativement étonnante. Certes, le goût de Jeffrey Lewis pour les ballades acoustiques qui font mouche ne met pas bien longtemps à se dévoiler dans ce nouvel album comme dans les autres, qui contient évidemment son lot de petites perles anti-folk (puisque c’est ainsi qu’on doit les nommer). La très jolie "Don’t Be Upset", souvent servie en concert, s’accompagne ici d’un discret violon électrique pour livrer l’une des plus touchantes manifestations amoureuses de l’année (un simple constat d’échec ?), en réveillant au passage le souvenir de belles collaborations lointaines et apaisées entre Lou Reed et John Cale. Une plage plus loin, "Williamsburg Will Oldham Horror" est sans doute la meilleure illustration à ce jour de la verve unique de son auteur. A un débit extrêmement rapide, Jeffrey nous y raconte son improbable rencontre avec un Will Oldham probablement fantasmé, ses doutes sur ses talents de songwriter, ses tracas les plus anodins de futur trentenaire, sur fond d’arpèges et de phrases musicales lancinantes, réitérées avec un entêtement qui, chez tout autre que lui, confinerait au bourrage de crâne, mais devient ici un exercice brillamment exécuté. On pourrait pareillement s’attarder sur "The Singing Tree", "Moving" ou "New Old Friends" qui font cohabiter, sous des faux airs de comptines, une large touche de poésie absurde, un zeste de désenchantement décalé et beaucoup de l’âme new-yorkaise, ses villes, ses rues et ses fêtes. Mais c’est de punk qu’il était initialement question et du punk, il y en a en effet, qui occupe un bon tiers du disque. On peut d’ailleurs faire confiance à Jack Lewis pour ne pas s’embarrasser de superflu dans ces moments là. Droit à l’essentiel, souvent un refrain enfantin mais ravageur, servi par une ligne de basse explosive. Voilà la doctrine de notre homme, qui s’y entend bien pour concocter des chansons à l’énergie débordante, qui nous font tout bonnement retomber en enfance. A ce titre, on pardonnera facilement quelques écarts, résolument plus ludiques que mélodiques ("Time Machine") où les deux frangins ont l’air de gamins nourris au Velvet Underground, aux bandes dessinées de Calvin and Hobbes et à quelques chansons des Ramones. Après tout, dans ces moments-là, comme dans tous ceux où la voix parfaitement éraillée de Jeffrey part en pèlerinage avec six cordes pincées, on sent, avec une sorte de ravissement inexplicable et quelque peu ridicule, que c’est ici même que nos oreilles doivent être.

Jean-Charles Dufeu

Posters
Don’t Be Upset
Williamsburg Willoldham Horror
Something Good
The Singing Tree
Anxiety Attack
Time Machine
Moving
Art Land
New Old Friends
They Always Knew
Had it All

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