ILITCH – Lena’s Life And Other Stories
(Fractal Records / Bimbo Tower) [site]
Après avoir côtoyé des groupes radicaux de l’underground français comme Heldon, Thierry Müller, photographe et musicien parisien féru d’avant-garde, lance au milieu des années 70 le projet Ilitch, l’une des plus belles aventures musicales des vingt-cinq dernières années.
Ilitch ne sort que deux albums entre 1978 et 1980 : "Periodikmindtrouble" (enregistrements sombres et solitaires exclusivement instrumentaux, faits de longues répétitions minimalistes) et "10 Suicides" (Ilitch est alors presque un groupe, le chant fait son apparition pour des morceaux qui balancent entre des plages tout en langueurs étouffantes et des accès d’hystérie punk futuriste). Mais pour quiconque aime s’aventurer dans des univers singuliers, hors normes, ces deux opus sont incontournables.
Ces deux albums indescriptibles auront une influence considérable sur toute une frange de défricheurs comme Legendary Pink Dots et Nurse With Wound (d’ailleurs, la fameuse liste de cent groupes inclassables qui était glissée dans la pochette de leur premier LP citait comme il se doit Ilitch).
Après cette aventure, Müller crée Ruth en 1985 (en hommage à Ruth Ellyeri, sa muse au sein d’Ilitch). Il délaisse les paysages nocturnes et angoissants d’Ilitch pour une sorte d’electro-érotico-pop très arty avec l’album "PolaroïdRomanPhoto". Cette petite merveille d’élégance restera hélas orpheline dans la discographie de Ruth, mais achèvera d’installer Thierry Müller au panthéon parfois tant galvaudé des musiciens cultes.
Et puis en 2004, la surprise ! Ilitch est ressuscité avec l’album "Hors temps", suivi cette année par "Lena’s Life and Other Stories".
Le sentiment d’être en présence d’une version diurne d’Ilitch qu’on pouvait avoir à l’écoute de "Hors temps" est encore plus évident avec "Lena’s". Il faut dire qu’on est loin de la mélopée apocalyptique de "10 Suicides" ! Le minimalisme sombre des débuts fait place maintenant à une musique plus contrastée qui se veut tour à tour calme et mélancolique (le sublime "Stand Up"), urgente et tendue ("Breaking Thunder").
Autant d’années entre les deux époques n’auront en rien entamé la pertinence et le génie d’Ilitch, le son a évolué au diapason de la technologie, l’instrumentation est plus riche, lumineuse, mais l’esprit Ilitch est bien là, toujours aussi moderne, définitivement hors mode, hors temps.
Cet album est une vraie merveille qui, hélas, est passée un peu inaperçue lors de sa sortie en début d’année, mais il n’est jamais trop tard pour parler d’un grand disque. Et puis, en plus d’être un grand disque, c’est un passage idéal pour découvrir une œuvre passionnante. Reste maintenant à espérer qu’Ilitch ne s’absente pas encore pendant vingt-cinq ans !
Cyril Lacaud
Liberalism
Fée d’hiver
Swimming in Blood
Lena’s Life
While She Paints
Tokyo 1
Stand up
Souviens-toi
Breaking Thunder
Desire
Venise
Ohmless Ohm
Tokyo 2
Lena’s End
Cut