Loading...
Disques

Phil Spector – The Philles Album Collection

Phil Spector - The Philles Album Collection

Depuis que Phil Spector fait la une des rubriques judiciaires, on oublie opportunément qu’il a été, un demi-siècle plus tôt, un « contemporain capital » des musiques de jeunes. « Back to Mono », le précédent coffret  depuis longtemps collector (vingt ans, gloups), couvrait sa première décennie sur le mode compilatoire. Le flambant tout neuf « Philles Album Collection » réédite six albums parus dans un laps de temps invraisemblablement court – deux ans entre 1962 et 1964 – plus un septième de rogatons jazzy-symphoniques pour forçats-Panini des oreilles. C’est, on s’en doutait un peu, un éblouissement.

Passons sur l’inconvénient paninesque des doublons-triplés inéchangeables dus à la manie spectorienne de battre le fer pendant qu’il était chaud, on s’en remettra (albums des Crystals quasi-similaires, un tube chassant l’autre ; « Greatest Hits », dans la foulée). La joie toute bête de prendre en plein visage le fameux « mur du son » fait tout oublier. Enumérons une poignées de tubes inusables, tous pedigrees confondus : « He’s A Rebel », « He’s Sure The Boy I Love », « Da Doo Ron », « Walking In the Rain » et évidemment « Be My Baby » (remember « Mean Streets » au temps où Scorsese n’était pas encore gâteux…) Mais si les têtes de gondoles défient le temps, il y a des merveilles à découvrir. Ainsi chez les Crystals, le cinématique « On Broadway » et le frissonnant « What A Nice Way To Turn Seventeen » avec sa guitare surf subtilement égrillarde ; chez les Ronettes, l’exponentiel « When I Saw You » ; chez les oubliés Bob B. Soxx and the Blue Jeans, l’ébouriffant « Not Too Young to Get Married » et chez les plus qu’oubliés Alley Cats, l’irrésistible « Puddin’ N’ Tain »… On arrête là mais on pourrait continuer.

Spector donnait à chanter leurs désirs et leurs tourments à des adolescents à peine moins âgés que lui. De nos jours, les boys ou girls-bands sont les marionnettes de vieux requins avides. Non que Spector n’ait été un requin et un sale type (le livret très pudique manque de croustillant), mais sa folie et son inconscience lui ont fait construire un empire musical qui fascine encore. Il y a dans les chefs-d’oeuvres spectoriens un allant et une incandescence qui mettent à part ses productions : on comprend que Brian Wilson en ait été maniaquement obsédé (l’anecdote fameuse où entendant pour la première fois « Be My Baby » au volant de sa voiture, il la gare pour écouter tout son soûl, terrassé de beauté et de jalousie). Nick Kent, un jour, suggéra que la meilleure façon de combattre la dépression était d’écouter Spector à tue-tête et dans les grandes largeurs. Il est vrai que personne n’a poussé aussi loin la catharsis dans le rock. Un seul exemple : le saxophone sur « (Today I Met) The Boy I’m Gonna Marry » qui égrène des larmes de joie (ou d’autre chose, cette musique est d’abord sexuelle). Jamais on n’aura mieux illustré la devise d’Apollinaire : « Tout terriblement ». Succombez à Phil Spector…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *