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Beth Orton – Sugaring Season

Beth Orton - Sugaring SeasonSix longues années séparent l’inégal « Comfort of Strangers », dernier album en date pour Beth Orton, de cet attendu « Sugaring Season ». Faire le pari d’une pause aussi prolongée, du moins à l’échelle de l’industrie musicale, est un choix lourd de sens : comme du temps où elle faisait figure d’égérie folk de la scène électronique anglaise, la chanteuse ne semble vouloir se plier à aucune des règles imposées du circuit médiatique. C’est donc plus émancipée que jamais qu’elle reparaît aujourd’hui, en toute discrétion, sur le devant de la scène.

Enregistré à Portland dans l’Oregon, ce sixième long format s’appréhende d’abord comme un possible hommage à la tradition folk britannique. Une tradition qui a certes toujours fait partie intégrante de son ADN musical, mais à laquelle la musicienne à eu l’occasion de se confronter plus directement lors d’une participation à « The Black Swan« , ultime album du regretté Bert Jansch. Nul doute que la fréquentation d’un pareil monument de la scène folk ne pouvait être sans conséquence sur les travaux de Beth Orton. Mais bien que l’on pense ici souvent au registre pittoresque d’artisans tels que Jansch et Pentangle ou encore John Martyn, on devine pourtant que le choix d’un enregistrement outre-Atlantique ne doit rien au hasard. Remarqué par Beth Orton pour son travail de production sur l’indémodable « Carbon Glacier » de Laura Veirs (qui assure ici les choeurs sur quelques titres), le discret Tucker Martine (The Decemberists, My Morning Jacket…) façonne pour l’artiste un soyeux écrin country-folk typiquement américain, totalement en accord avec l’humeur générale de ses nouvelles compositions. Il permet à Beth de se livrer à cœur ouvert, dans une forme d’introspection en mode acoustique certainement appelée à nous poursuivre durant quelques saisons, à l’image de l’élégante « Magpie » en introduction ou encore de « Candles », qui accueille Marc Ribot et sa guitare à cordes nylon pour un résultat digne d’un classique de Bobbie Gentry. Chronique infiniment touchante du nouveau bonheur domestique de l’auteur de « Trailer Park » (le mariage et la maternité sont passés par là), « See Through Blue » rompt pour un temps la tonalité boisée et typiquement automnale du disque, pour un court intermède en forme de berceuse à l’hédonisme communicatif.

Comme un clin d’œil espiègle au glorieux passé electro-folk de Beth Orton, l’entêtant « Call Me the Breeze » est pour sa part le fruit d’une nouvelle collaboration avec Tom Rowlands, moitié des Chemical Brothers. L’occasion de se souvenir au passage que ces derniers ont largement contribué à faire connaître la chanteuse au plus grand nombre, en l’invitant à poser sa voix inimitable sur leurs deux premiers albums. On peut y voir une façon de boucler la boucle, de regarder une dernière fois en arrière pour mieux affirmer que tout peut désormais continuer. Brillant de bout en bout, « Sugaring Season » s’impose au final comme la plus belle réussite de Beth Orton depuis « Central Reservation » (1999).

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