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Concerts

Caroline Polachek, en surface ?

J’aurais pu interviewer Caroline Polachek. C’était même prévu. Et puis je me suis décommandé. Certes, j’aurais sans doute passé un moment agréable avec une jeune femme aussi charmante qu’intelligente ; mais aurais-je vraiment eu tant de choses à lui dire ? Des « moments agréables », à défaut d’émotions plus profondes, c’est ce que m’ont procuré à de nombreuses reprises les deux albums de Chairlift, qui trouvaient un juste équilibre entre bidouille arty et accessibilité, bizarrerie et évidence pop, à la limite de la perversité. Voir par exemple “Planet Health” sur “Does You Inspire You”, avec ses brillantes paroles dystopiques (Caroline imagine une planète qui ressemble beaucoup à la nôtre, où la santé et la forme sont érigées en dogme) posées sur une sorte de vieux slow 80’s, dégoulinant comme une glace laissée au soleil.

Pochette 

Même chose avec son premier album solo “Arcadia”, sorti en avril dernier sous le nom de Ramona Lisa. Ce disque de “pastoral electronic music”, composé uniquement sur un laptop lors d’un séjour à la Villa Médicis (chic), est forcément plus épuré que ceux de son groupe, qui donnaient parfois l’impression d’écouter des inédits de Propaganda (personnellement, je n’ai rien contre). La voix de Caroline, très en avant dans le mix, se baladant sur de jolies pelouses synthétiques, croisant parfois d’envoûtantes mélodies (“Lady’s Got Gills”, “Dominic”…), provoque un léger trouble, mais sur l’échelle de la chair de poule, on est quand même loin de Sharon Van Etten, ou même de Bat For Lashes dans ses meilleurs moments. L’influence revendiquée serait plutôt les travaux méconnus de Virginia Astley avec Ryuichi Sakamoto, a-t-on lu : quelque chose de plus évanescent que sensuel, à la limite de l’abstraction.

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A défaut d’interview, je suis allé voir Caroline/Ramona au Café Carmen, où elle passait le soir même. Drôle d’endroit pour un concert que ce bar de Pigalle agréable et raisonnablement branché, mais sans doute plus adapté à des DJ sets. Ceci dit, était-ce vraiment un concert ? Un showcase, peut-être ? Partagé entre la fascination, la perplexité et l’hilarité, on a vu (enfin, ceux qui arrivaient à y voir quelque chose, la scène étant à peine surélevée) débouler trois sœurs jumelles, avec la même frange, la même tenue et les mêmes yeux peints sur les joues. Pas de musiciens, Caroline et ses deux choristes se contentaient de chanter – magnifiquement, il faut le reconnaître – et de danser (option “expression corporelle”) sur les instrumentaux des morceaux. Un peu limite, quand même ; Christine and the Queens, revue quelques jours plus tard, a fini par embaucher deux musiciens pour qu’il y ait un peu de son live, après s’être longtemps contentée elle aussi de bandes enregistrées.

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Forcément, les versions n’étaient pas très différentes de celles du disque (sauf pour “Dominic”, curieusement chanté en français), et l’affaire fut pliée en 35 minutes et des brouettes. Personne n’eut même l’idée de réclamer un rappel. Pour entendre quoi, de toute façon ? “Bruises” et « Amanaemonesia » avec Patrick Wimberly, l’autre membre de Chairlift, jouant en duplex depuis Brooklyn ?

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De ce face-à-face entre six yeux avec Caroline Polachek (puisqu’elle en avait quatre), je suis reparti guère plus éclairé qu’en arrivant. Qui est-elle vraiment ? Une it-girl arty, aussi à l’aise sur scène qu’aux défilés de mode ? Une artiste totale (musique, danse, vidéo, costumes) ? Une énième post-hippie ? Une blagueuse ? Un cheval de Troie qui introduit un peu d’étrangeté dans le mainstream (elle a collaboré à un morceau de Beyoncé) ? Une Liz Fraser 2.0 qui n’aurait pas besoin d’un Robin Guthrie ? Une Frances Ha avec du succès ? Et “Ramona Lisa”, y a un jeu de mots, non ? Allez, la prochaine fois que Caroline viendra à Paris (pour le prochain album de Chairlift, annoncé comme « leur disque le plus humain », et qui pourait sortir avant la fin de l’année ?), promis, on la fera, cette interview.

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