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Disques

Institut – Spécialiste mondial du retour d’affection

 Institut - Spécialiste mondial du retour d'affection

Après un premier album sorti en 2011 (« Ils étaient tombés amoureux instantanément« ), Institut revient avec « Spécialiste mondial du retour d’affection », album d’une rare exigence dans l’affirmation d’une chanson française dénudée, crue et radicale. 

Par un mode littéral très riche, marqué de nombreux jeux d’opposition et d’énumération, les paroles investissent des motifs immédiatement visuels : les aires d’autoroute, la coloscopie, le domaine de l’aéronautique, le laser-game. Accumulation d’images au premier abord déconcertante, puis rapidement douloureuse tant le vertige du nombre révèle une étrange fatalité du quotidien. Quotidien tragique par son ennui, tenu ici comme objet d’étude clinique ; le débit, fonctionnel et régulier, n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’austérité d’un Erik Arnaud,d’un Mendelson ou d’un Michel Cloup, avec toutefois cette douceur supplémentaire dans le timbre, mitigeant la rage pour l’emmener vers des modulations douces-amères, insidieuses. Certains titres se démarquent par des assises rythmiques à l’efficacité redoutable (« La Majestueuse Baie de Wellington », « Cet homme-là est mort »), portés par des arrangements électroniques discrets mais suffisamment efficaces pour ne pas s’effacer complètement (parfois très réussis même, dans leur approche pop ultra rudimentaire, à l’instar de la dernière chanson de l’album, « Je n’ai pas besoin d’ennemi »).

 

L’album s’écoule comme une psychothérapie sordide, dont les codes de lecture symboliques se situent entre le suicide social, la consommation, l’observation des espaces urbains et l’enfermement, qu’il soit spatial (l’importance du vocabulaire de la ville), mental ou social. Nul moralisme cependant, aucun didactisme malvenu ; « juste un champ d’éoliennes au loin », comme l’invoque le titre « A un autre moment ». L’écriture est chirurgicale, les arrangements cliniques ; le tout se consomme et se consume comme un livre de Kafka, avec ce sentiment de fatalité omniscient dont on ne peut sortir que par l’ironie ou la déception.

Le résultat est remarquable d’un bout à l’autre, peut-être un peu pédant par endroits mais brillant dans sa capacité poétique à ouvrir le ventre des choses visibles, matière à bouleverser sans grille de lecture prérequise. Mieux qu’une publicité pour la sécurité routière, en somme.

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