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Les Objets – L’Intégrale

Les Objets - L'Intégrale

A l’heure où les ex-Téléphone s’apprêtent à entamer une très lucrative tournée des festivals et où Renaud trône en tête des ventes en France, il y a quelque chose d’incongru à voir réédités les deux albums des Objets. Un groupe à la carrière brève, apprécié par la critique (“Les Inrocks” en tête) et Bernard Lenoir, clipé par un Gondry débutant, signé sur une major, mais au succès commercial limité. Ici, peu de risque de gluante nostalgie collective : quand on écoutait les chansons écrites par Jérôme Rousseaux et Olivier Libaux au début des années 90, c’était en ayant conscience d’aller à contre-courant et de faire partie d’une minorité. Ils étaient alors peu en France à ne s’inscrire ni dans la variété toute-puissante, ni dans le rock alternatif, et à revendiquer essentiellement l’apport de l’indie-pop britannique.

Entre un morceau d’ouverture, “La Saison des mouches”, rappelant The Monochrome Set (une adaptation en français de “The Jet Set Junta” atterrira d’ailleurs sur une face B), des réminiscences du “There Is a Light…” des Smiths sur “Maudits”, une chanson baptisée “Sarah” comme un certain label de Bristol, une autre intitulée “Dans les terres d’Ecosse”, le goût des mélodies et des guitares “ligne claire” un peu partout, le premier album “La Normalité” (1991) suit un chemin bien balisé. Il ne s’agit pas pour autant d’un simple décalque. Comme Autour de Lucie qui, quelques années plus tard, tentera pareillement d’acclimater la pop anglaise en France, Les Objets soignaient autant les textes que la musique. Signés Jérôme Rousseaux pour la plupart, ils sont ici encore un peu verts, mais on y décèle déjà la fantaisie parfois grinçante (l’école Vian et Gainsbourg des débuts) qui allait s’épanouir sur ses disques solo sous le pseudo d’Ignatus. Quelques sonorités électroniques (“Watashi wa”) et effluves latins (“Le Rock de l’homme d’affaires”) apportent par ailleurs une certaine variété à ce premier essai imparfait mais au charme tenace.

Trois ans plus tard, “Qui est qui ?” montre le chemin parcouru. Mark Wallis, producteur entre autres du “16 Lovers Lane” des Go-Betweens, succède à Jamie Lane aux manettes, et plusieurs chansons bénéficient d’exquises parties de cordes enregistrées en une journée à Abbey Road. On ne sait si Columbia – qui s’était entre-temps largement désintéressé du groupe – est rentré dans ses frais, mais le résultat est superbe. Avec “Ces mots-là”, le groupe offre un rare exemple de “perfect pop song” en français, qui aurait dû envahir les ondes. Le titre n’est pas tout à fait représentatif du reste de l’album – restitué ici dans le tracklisting prévu à l’origine –, succession de morceaux plutôt lents, introspectifs, voire doucement spleenétiques (“Ma violence”, “Aidez-moi”, “Les Journées d’automne” qui doit beaucoup à Nick Drake, “Le Musée imaginaire” sous possible influence House of Love…), qui voient Les Objets s’éloigner de leurs premières influences et élargir leurs horizons.

Ce disque sans équivalent, sinon peut-être le “Mobilis on mobile” de L’Affaire Louis Trio sorti l’année précédente, aura malheureusement un faible écho, et ses deux auteurs préféreront en rester là et suivre des routes séparées. Olivier Libaux mènera diverses aventures collectives, la plus fameuse étant bien sûr Nouvelle Vague, avec Marc Collin, qui lui donnera l’occasion de tourner dans le monde entier. De son côté, Jérôme Rousseaux sortira plusieurs albums solo remarquables et trop méconnus sous le nom d’Ignatus, ouvrant de nouvelles voies pour la chanson en français. Une démarche qu’on retrouve dans son actuel projet [e.pok], où il frotte ses textes à la musique électro-acoutique, et qui n’est que l’une de ses multiples activités (ateliers d’écriture de chansons, conférences sur la musique…).

Sous un emballage sobre et élégant conçu par le graphiste Pascal Blua (qui a signé les pochettes des derniers disques de The Apartments et de Michael Head, entre autres), ce double CD offre donc “L’Intégrale” des Objets… ou pas loin. Même si le groupe a enregistré peu de faces B (dont le très beau “Tchin”, qu’on est heureux de retrouver ici), la portion de bonus est un peu chiche, tout comme le livret. Ce ne sont là que détails au vu du butin amassé : des Objets aussi rares et précieux aujourd’hui qu’au siècle dernier.

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