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Black Belt Eagle Scout – At the Party With My Brown Friends

Black Belt Eagle Scout - At the Party With My Brown Friends

Un son de guitare grave et saturé. Une voix douce et légère qui apparaît rapidement. Une batterie qui monte, qui accélère progressivement et qui embarque l’auditeur dans un rythme enlevé. Puis, la guitare qui part dans un solo où quelques notes plus claires se répètent pour nous enivrer. On sait alors d’emblée qu’on vient de se faire une nouvelle amie. L’amie en question s’appelle Katherine Paul alias Black Belt Eagle Scout. Cette Américaine de 30 ans a su nous séduire immédiatement avec « Soft Stud », cette chanson qui ouvre son premier album intitulé « Mother of My Children », sorti l’année dernière. C’est avec cet album qu’elle s’est faite remarquer, surtout aux Etats-Unis. Il faut dire que ses origines la placent clairement à part dans le rock indépendant américain. En effet, Katherine Paul est originaire de la réserve indienne de Swinomish située au Nord-Ouest des Etats-Unis, dans l’Etat de Washington. Katherine Paul a toujours été attachée à ses racines indiennes et les a toujours revendiquées. C’est là-bas qu’à l’adolescence, elle a attrapé le virus du rock en regardant des cassettes VHS de Hole et de Nirvana, originaires de la même région qu’elle.

Puis elle a fait ses études à Portland où, elle qui s’est rapidement considérée comme queer, elle a pu se rapprocher à la fois de la communauté queer et de la scène musicale locale. Cela lui a permis d’enregistrer son premier album qui est sorti en 2017 sur un petit label de Portland avant d’être repéré par Saddle Creek (Big Thief, Hand Habits, etc.) qui l’a ressorti l’année suivante. Les chansons constituant ce premier album lui ont principalement été inspirées par la douleur et la peine consécutives, à la fois, à la fin d’une longue relation amoureuse et au décès de la musicienne Geneviève Elverum, l’épouse de Phil Elverum (Mount Eerie), qui, en quelque sorte, était son mentor. Ces sentiments ainsi que sa fierté quant à son identité indienne ont donc fourni la matière pour les chansons de ce premier album.
Son deuxième album intitulé « At the Party With My Brown Friends » et toujours publié par le label Saddle Creek a, lui, pour sujet l’amitié, l’amour et ce que ça signifie de se soutenir les uns les autres. C’est ce qui est noté dans le livret accompagnant l’album, livret où Katherine Paul apparaît en photo, tout sourire derrière sa batterie, elle qui, comme pour le premier album, joue seule de tous les instruments. Ces thèmes ainsi présentés s’expliquent notamment par sa volonté de toujours mettre en avant les Indiens d’Amérique et, en particulier, les artistes queer indigènes. Par exemple, tous ses clips ont été réalisés par des artistes queer indigènes.

Musicalement, cet album se situe à mi-chemin d’un rock typique du nord-ouest des Etats-Unis, avec Sleater-Kinney par exemple, et d’une dream pop éthérée qu’on retrouve chez des groupes tels que Beach House. Cela est patent sur le titre « Run it to Ya » où la voix, doublée de chœurs, se fait aérienne et où la guitare semble remplacer le synthé de Victoria Legrand. Globalement, à la guitare et à la batterie, les rythmes sont bien marqués mais, avec la voix douce de Katherine Paul et les chœurs aériens qu’elle réalise elle-même, on est comme enlevé, transporté.
Sa voix n’est d’ailleurs pas sans évoquer celle d’Emily Jane White, en particulier sur le titre « Going to the Beach with Haley ». Les chansons sont rythmées mais elles savent ralentir, notamment avec les titres « Real Lovin » et « Half Colored Hair », chansons d’amour où le style se fait plus poétique (« The lightness of my fingers on your face » sur « Half Colored Hair »). Les chansons d’amour peuvent s’adresser à l’être aimé, au conjoint. Mais il peut aussi s’agir d’amour filial comme sur « You’re Me and I’m You », le dernier des neuf titres de l’album, où, dans cette ballade délicate, Katherine Paul s’adresse à sa mère.

Cet album peut-être un peu moins rock, un peu moins électrique que le précédent, nous laisse comme envoûté, emporté par ces rythmes affirmés, ces chœurs aériens, ce chant discret et ces mélodies gracieuses. Black Belt Eagle Scout ne bénéficie pas encore d’une grande renommée. Il ne tient qu’aux auditeurs curieux que cela change.

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