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DiversInterviews

Un tour en ville #4

Les indépendants face à la pandémie

Dans le domaine de la culture, au sens large, le couvre-feu puis le confinement ont compromis bon nombre de spectacles et de publications. Jusqu’à poser la question de la pérennité de certains lieux de diffusion, de quelques structures indépendantes et de projets artistiques. Dans les grandes villes, au ralenti, nous interrogeons musiciens, acteurs des sphères indés et autres pour prendre le pouls de la cité. Malgré le marasme, l’espoir demeure et des initiatives se font jour… qu’il est urgent de soutenir.

Bordeaux

Jimmy Kinast, booker chez 3C et musicien au sein de Mars Red Sky
Comment était la situation avant la pandémie et le confinement ? Comment se portait la scène musicale bordelaise ?
Il y a toujours eu pas mal de groupes bordelais, et il y a toujours des « familles » qui émergent. À 3C, on a vraiment tous accroché sur TH Da Freak, un artiste bordelais (Thoineau Palis, lire ici son track by track et voir sa session), tous les projets connectés des musiciens et leur label Flippin’ Freaks. Le problème de la scène bordelaise, c’est qu’elle manque cruellement de lieux de diffusion ! Alors oui, il y a par exemple la nouvelle salle du Grand Parc qui permet de travailler en capacité réduite, avec un fonctionnement « à l’ancienne », notamment pour les recettes du bar directement reversées aux assos. En revanche, ce qui ne manque pas à Bordeaux, tu t’en doutes, ce sont les caves. C’est donc idéal pour répéter mais c’est beaucoup plus dur de jouer devant un public.
Quelle est la situation actuellement à Bordeaux ? Comment organisez-vous votre activité ?
Aujourd’hui, à Bordeaux, les choses ne vont pas beaucoup mieux pour les petites salles, avec notamment le Void (salle de concerts indépendante de la scène hardcore et underground, ndlr) qui a annoncé sa fermeture pour janvier prochain. Même si cette salle a connu d’autres problèmes, la crise sanitaire ne l’a pas aidée, comme elle n’a pas aidé tous ceux qui avaient déjà un pied dans la tombe : les groupes, les labels ou les sociétés de production. À 3C, on survit. Dès le premier confinement, nous avons beaucoup communiqué avec nos groupes, nos artistes. Cela a été compliqué pour eux : il a fallu les rassurer, les informer. Et puis, on a senti une grande solidarité interprofessionnelle. Les discussions entre les acteurs du milieu se sont multipliées. Du coup, les relations avaient tout de même un aspect plus humain et plus agréable qu’avant. Beaucoup de gens ont pris une énorme « beigne » avec cette pandémie. Mais de toute cette merde est ressorti une plus grande capacité d’écoute et plus d’entraide je trouve.
À 3C Tour, on a tout de même essayé d’organiser des trucs, des livestreams ou des « résidences », comme avec Catastrophe. On a pu faire des concerts en été. Avec Mars Red Sky, on a même pu faire des concert assis en octobre… Même si certains groupes de notre catalogue, surtout punk ou metal, ne pouvaient même pas imaginer de jouer devant un public assis, et je les comprends !

Bref, chez 3C, nous avions trouvé notre rythme de croisière jusqu’en septembre-octobre. On a essayé de se réinventer en organisant des mini-tournée en mode « spectacle ». Attention, pas en mode cabaret à la Patrick Sébastien ! Même si… Mais plutôt en mode théâtre. Mais on ne pouvait plus faire de première partie, trop compliqué. Alors, on a travaillé avec d’autres supports, comme la vidéo. C’était mieux que rien et cela a fait un bien fou à tous ces groupes qui rêvaient de remonter sur scène ! La plupart des groupes se sont d’ailleurs bien adaptés, tant bien que mal, ils se sont bougés car c’était vital ! On a même réussi à trouver des opportunités pour des groupes moins connus, moins installés. Cela a été comme une sorte de jubilation de pouvoir rejouer sur scène : enfin un truc cool au milieu de toute cette merde !
Puis, le couvre-feu est arrivé. On a réussi à sauver toutes les dates pour les plus costauds, en programmant les concerts plus tôt. Mais avec le reconfinement, tout s’est arrêté d’un coup.
Aujourd’hui, à 3C Tour, on est en activité partielle. Mais on continue à se battre pour les artistes. On ne veut blâmer personne, ni le gouvernement, ni les préfets. C’est la faute à pas de chance alors on se bat. Pour certains groupes, il faut s’adapter ou mourir.
Il faut aussi dire qu’en France, nous avons la chance d’avoir un système d’aides en cas de coup dur, avec les allocations ou les subventions. Il faut voir comment cela se passe dans d’autres pays, notamment anglo-saxons… Mais malgré ces aides, il faut s’attendre à une grande paupérisation d’une partie de la population.
À 3C, on devrait passer l’orage car on a les reins solides et notre catalogue est assez diversifié. Mais beaucoup de sociétés de production ne vont pas s’en relever ! Cela risque de faire très mal ! Idem pour les groupes. Psychologiquement, c’est très dur car beaucoup n’ont que la scène comme moyen d’expression pour se faire connaître et comme mode de rémunération.
Y-a-t-il tout de même des motifs d’espoir ?
Cette crise va accélérer des mouvements et des tendances. Nous sommes à l’aube de plein de choses très chouettes. Beaucoup d’artistes sont ou vont devenir maîtres de leur destin. À 3C, cela nous fait comprendre qu’il faut savoir relativiser, nous devons être plus flexibles, plus créatifs. Même au sein de Mars Red Sky, nous avons dû apprendre à nous adapter, à savoir faire d’autre chose.
Comment peut-on vous soutenir ou soutenir les groupes ?
Cela va paraître évident, mais pour nous aider ou pour aider tout simplement les artistes que vous aimez, il faut faire marcher le merchandising et acheter leurs albums directement sur leurs sites. Il faut aussi être à l’affût des nouveautés, car beaucoup de groupes vont évoluer, vont se réinventer pour s’en sortir, pour remonter la pente. Il faut surveiller les groupes que l’on aime car ça va bouger et ça va se faire très vite je pense.
Pour les tournées et les concerts, nous sommes en discussions avec les salles pour programmer des groupes en plein air, dès que possible et avant l’été. Nous sommes aguerris et nous savons travailler vite maintenant, donc bougez-vous les salles, nous serons prêts !
Quels sont vos projets du moment ?
Avec Mars Red Sky, nous avons en tête un projet très spécial mais il est encore trop tôt pour que je t’en parle.

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