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Disques

BMX Bandits – Dreamers on the Run

Le douzième ou treizième album du groupe de Duglas Stewart, figure excentrique et attachante de l’indie pop écossaise depuis près de quarante ans, est l’un de ses plus aboutis en termes d’écriture et d’arrangements, même s’il s’autorise au passage quelques savoureuses bizarreries.

De tous les groupes indie écossais apparus vers le milieu des années 80, les BMX Bandits – nommés d’après le titre d’un film d’Ozploitation considéré par le moyennement fiable Quentin Tarantino comme le “Goonies” australien – reste sans doute l’un des plus attachants. Parce que cette formation à géométrie variable, véritable auberge espagnole de Bellshill (à quelques kilomètres à l’est de Glasgow), a compté dans ses rangs des membres, ex-membres ou futurs membres des Soup Dragons, Vaselines, Pastels, Superstar, Pearlfishers et Teenage Fanclub. Parce que son seul maître à bord permanent, Duglas Stewart, reste un amateur de musique(s) dans le meilleur sens du terme, qui concilie une connaissance quasi encyclopédique de la pop sixties ou des B.O. de films avec un émerveillement presque enfantin pour les sons qu’est capable de créer un être humain. Enfin, sans doute, parce que le groupe est toujours passé à côté d’un succès pour lequel il ne semblait pas franchement taillé, entre manque de professionnalisme, changements fréquents de label, line-up instable et incapacité à s’adapter aux modes.
Certains morceaux auraient pourtant mérité de devenir des classiques, sinon des tubes, notamment ceux de la période Creation (1992-96) : “Serious Drugs”, “Gettin’ Dirty”, “Kylie’s Got a Crush on Us”… Mais on suppose que les BMX Bandits n’étaient pas vraiment la priorité d’Alan McGee en pleine Oasismania. Certes, un fan des Ecossais portant, comme Duglas, un T-shirt de Daniel Johnston avait vendu contre toute attente des millions de disques de son groupe, mais l’histoire s’était très mal terminée. Et à l’époque, un songwriter sensible fan de Big Star et Jonathan Richman, préférant une certaine naïveté au cynisme, apparaissait comme une incongruité au milieu des cadors de la Britpop.
Et pourtant, en 2024, notre grande asperge préférée est toujours là, et vient peut-être même de sortir sur le label allemand Tapete – structure d’accueil pour un paquet d’anciens de la pop – l’un des meilleurs albums des BMX Bandits. Le disque a tout d’un petit miracle, d’autant plus qu’il a failli ne jamais exister : lancé il y a une dizaine d’années, le projet avait été longuement mis en sommeil en raison des problèmes de santé de Duglas Stewart. C’est grâce à l’impulsion du multi-instrumentiste et guitariste du groupe Andrew Pattie, avec qui il avait travaillé sur une B.O. pendant le confinement, que l’album a pu être terminé.

“Dreamers on the Run” s’ouvre par le morceau-titre, une superbe composition à tiroirs de plus de six minutes où transparaît la passion de son auteur pour les Beach Boys, et notamment pour les merveilles de la période fin 60’s-début 70’s. Une passion qu’il partage avec Sean O’Hagan des High Llamas, autre musicien culte faute de mieux. Arrangements de cordes panoramiques, parties chorales entre Purcell et The Free Design, ponctuations de clavecin : le chef des Bandits signe un petit chef-d’œuvre baroque (influencé également par le travail de David Axelrod pour les Electric Prunes, selon Andrew), comme venu d’une autre époque mais à mille lieues de tout revival stérile. Sans forcément viser les mêmes sommets, les morceaux suivants s’avèrent d’une excellente tenue. Des chansons aux mélodies et aux arrangements ensoleillés, mais auxquelles la voix de Duglas – celle d’un rêveur obligé de se confronter au monde réel – apporte une fragilité infiniment touchante.

L’auteur de “Your Class” aurait pu décliner cette écriture élégante et relativement classique sur toute la longueur de l’album sans que personne ne s’en plaigne, mais ce n’est pas trop le genre de la maison. Ainsi, “Cockerel’s Waiting”, featuring le grand excentrique Jowe Head (Swell Maps, Television Personalities), semble tout droit sorti d’un film hollywoodien qui serait à la fois un musical et un western. Comme son titre l’indique, “Home Before Dark – In the Industrial Zone” emmène une merveilleuse chanson interprétée en 1967 par Nora Guthrie (fille de Woody) dans la zone industrielle, pleine de bruits de machines et de synthétiseurs sifflants. Etrange et très réussi. Tout comme “The World Was Round” qui nous rappelle au bon souvenir des Papas Fritas – minimalisme, maxi effet.
Le sommet de la bizarrerie est sans doute atteint sur “My Name Is Duglas (Don’t Listen to What They Say)”, autoportrait en outsider – à l’instar d’autres chansons du disque – où des voix déformées de façon grotesque comme chez les Residents jugent durement un Duglas ado (« He’s not quite right! ») sur une musique électronique primitive évoquant certaines expérimentations du postpunk. Et puis sans prévenir, au bout d’une minute trente, le bricolage se transforme en une délicate comptine à la guitare folk…
Enfin, alors que tout songwriter digne de ce nom aurait terminé l’album sur “Things You Threw Away”, condensé acrobatique des obsessions maison déjà évoquées (Brian Wilson et Van Dyke Parks, la pop baroque, le Brill Building…), nos petits plaisantins y ajoutent un codicille : une reprise du refrain de “Dreamers on the Run” sous la forme d’un instrumental de 56 secondes sonnant comme de la musique 8-bit de jeu vidéo ! C’est aussi pour cet esprit ludique et presque punk, ce refus de se prendre trop au sérieux qui n’empêche pourtant pas la gravité, qu’on aimera toujours Duglas Stewart et les BMX Bandits. En espérant que le fanclub finisse par s’élargir un jour.




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