Révélation scénique d’une Londonienne de 25 ans, entre ballades délicates, indie rock et titres pop hyper efficaces. Certainement une voix avec laquelle il va falloir compter dans les années à venir.
Il y a des débuts qui sonnent comme des évidences. Le 2 mai, Matilda Mann se produisait pour la première fois à Paris en tête d’affiche, dans l’écrin feutré des Étoiles. À tout juste 25 ans, la jeune musicienne de l’ouest londonien n’en est pourtant pas à son coup d’essai. Forte de quatre EP remarqués et d’une série de premières parties prestigieuses (Arlo Parks, Beabadoobee, The Staves, Wallows…), elle présentait Roxwell, un premier album profondément personnel, hommage à sa rue d’enfance et à ces années où l’on cherche encore à comprendre qui l’on est.

Dès les premières notes, la magie opère. Portée par des sonorités qui mêlent folk (At the End of the Day), pop (Just Because) et touches jazzy (Dazed & Confused), Matilda nous fait voyager à travers les émotions comme à travers les genres. Ses sonorités et la douceur de sa voix évoquent notamment Lizzy McAlpine et Clairo, voire Olivia Rodrigo dans ses moments plus punk comme Say It Back. Elle n’en garde pas moins une voix singulière, faite de retenue, d’humour et de justesse.

Parmi les temps forts, Say It Back, un morceau cathartique sur un amour à sens unique, porté sur scène avec énergie. Il donne lieu à une interaction rituelle avec le public : Matilda y attend qu’on lui hurle “say it back”. Ce soir-là, Paris a crié fort. Très fort. Assez pour qu’elle confie : “favorite show ever”. Au fil du set, la complicité avec le public grandit. Avant d’interpréter Girls, la chanteuse évoque ses deux meilleures amies d’enfance. Moment particulièrement touchant, pendant lequel cette chanson résonne comme une lettre ouverte à ces liens précieux que l’on tente de préserver alors que la vie adulte nous pousse à nous éloigner.

Mais au-delà de la musique, c’est aussi son univers visuel et narratif qui captive. Cinématographiques, absurdes et empreints d’un humour tendre, ses clips regorgent de références à la culture pop, en particulier à l’esthétique des comédies romantiques comme Notting Hill ou 500 jours ensemble. Sur scène, cette sensibilité se prolonge à travers un « meet-cute » (première rencontre) grandeur nature : chaque soir, affublée d’une paire d’ailes d’ange, Matilda endosse le rôle de Cupidon et tire au sort deux inconnus invités à se rencontrer après le concert. Une manière originale d’éviter le traditionnel rappel, qu’elle rebaptise malicieusement le « cache-cache pour adultes ».

Le public, majoritairement jeune et féminin dans les premiers rangs, se révèle plus intergénérationnel qu’attendu. Tous sont conquis par la sincérité de l’artiste, sa présence scénique à la fois drôle et touchante, et ses échanges chaleureux. Entre deux chansons, elle reçoit des fleurs, des peluches, des lettres. Elle interprète d’ailleurs The Day That I Met You, un morceau figurant sur son quatrième EP, qu’elle explique avoir écrit pour son public dans une période difficile de sa vie, comme une manière de lui dire merci.
Roxwell s’écoute comme un journal intime. Ce concert en fut le prolongement vivant : un moment suspendu, un coming of age musical qui trace les contours d’une entrée douce et amère dans la vingtaine. Avant de quitter la scène, Matilda conclut avec See You Later. Et nous aussi, on espère bien la revoir.
Texte et photos : Pauline Babin.