AWOL ONE & DADDY KEV – Killafornia
(Alpha Pup Records)
Cest la dernière livraison commune du trio Awol One, Daddy Kev et D-Styles et elle est sans surprise. Cest-à-dire fort sympathique. Daddy Kev, qui na jamais été un producteur fantastique, ou alors par inadvertance, propose une poignée de beats efficaces, fonctionnels, appropriés aux textes, avec parfois une coloration très rock, façon gros riffs qui tâchent. En complément, D-Styles livre ici quelques scratches bien sentis. Et pour couronner le tout, Awol One sexprime. Demblée, il tape fort en sen prenant férocement aux wannabe rappeurs (« The Unwanted »). Mais attention, pas à nimporte lesquels. Il tape sur lInternet MC, sur celui dont les idoles sont nos artistes hip hop indés préférés : « he wants to be bigger than Atmosphere, he said he wants to battle Sage Francis on a record, he said he wants to be smart like Aesop and El-P, he said that he wants to battle the Shapeshifters ». Ce jeune homme a de lambition, et dautres modèles encore. Mais Awol One clôt laffaire une bonne fois pour toutes par un « This is a song about a kid [ ] talking about how lyrical he is, in is bedroom, on a computer, in the middle of nowhere ». Plus tard, notre rappeur développe le titre et la pochette de cette nouvelle sortie et sen prend à la Californie (« So Familiar »). Ailleurs, ce sont ceux qui ne sassument pas, les tricheurs, les faussaires, ceux qui refusent dêtre ce quils sont, qui deviennent la cible de notre homme (« Unlucky Number »).
Et tout cela, cest de lAwol One tel quon laime. Cest sa voix grave et éraillée. Cest ce rappeur précieux qui, au lieu de donner dans la logorrhée rap habituelle, sefforce de se faire entendre, en marmonnant ou en articulant quand il faut, en chantant même, en plaçant les bonnes intonations là où il faut, quitte à pousser insupportablement dans les aigus (sur « So Familiar » et sur « Dead Bartender »). Le MC sen prend à ceux qui le débectent, ses paroles sont souvent vachardes, mais jamais complètement méchantes. Derrière point une bonne dose dautodérision. Témoin ce mémorable « Im so underground I should be a potato » ou dautres sorties encore pleines dhumour absurde façon « Its not my fault like San Andreas ». Tout cela ne suffit pas à faire de « Killafornia » une tuerie, loin sen faut. Mais on tâchera tout de même de faire une petite place à ce disque dans notre discothèque, dans une section déjà fort bien garnie, entre linégal « Souldoubt », lalbum des tubes et de la hype, « Slanguage » et ses divagations free-jazz et « Number 3 and the Phone », l’album le plus accompli jamais sorti par les compères.
Sylvain Bertot
The Unwanted
So Familiar
Looks Like
Unlucky Number
Dead Bartender