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Concerts

Angil and the Hiddentracks et Why? à Stereolux (Nantes) le 29/11/2012

L’affiche de ce jeudi à Stereolux est tout à fait cohérente. Les Français d’Angil and the Hiddentracks ouvrent pour les Américains de Why?, deux groupes assez inclassables qui pratiquent le grand écart entre – pour faire très vite – le hip-hop (pour le phrasé du chant) et le rock indé (pour les orchestrations pop).

Surprise, quand les lumières de la salle s’éteignent, ce n’est pas Mickael Mottet, le chanteur et tête pensante d’Angil and the Hiddentracks, qui s’installe derrière le Fender Rhodes placé sur scène mais une frêle jeune fille répondant au nom commun de Sarah Winters. Après une version a cappella tout à fait honorable du standard « Cry Me a River », Sarah, dont le physique diaphane rappelle vaguement celui de Joni Mitchell à ses débuts, entame une série de compositions, simplement accompagnée de son clavier. Musicalement, ce serait plutôt au bel album solo d’Emily Haines, la chanteuse de Metric, que l’on pense – et c’est un compliment : même douceur mélancolique où il fait bon se lover, le son chaleureux du Fender Rhodes complétant à merveille la douce voix de l’Américaine. Et quand la demoiselle se lance dans une reprise intime de « Damn These Vampires » des Mountains Goats, ça n’est pas loin d’être magnifique. Certes, tout ceci n’est pas d’une originalité folle mais, avec le succès de tant de jolies chanteuses au joli timbre de voix et aux jolies mélodies de piano (Agnes Obel a fait des émules), on se dit que Sarah Winters a toutes ses chances.

L’originalité, ce n’est justement pas ce qui fait défaut à Angil and the Hiddentracks. Aucun groupe ne sonne comme celui de Mickaël Mottet. Bon, en cherchant bien, on se dit que si, peut-être bien que Why?, justement, sonne un peu comme eux (ou plutôt l’inverse, les Français étant fans des Américains). La soirée nous montrera que l’on n’a pas tout à fait raison.

Angil and the Hiddentracks 

En écoutant et réécoutant « Now », l’excellent dernier album en date des Stéphanois, impossible de ne pas imaginer le groupe jouer en direct tant le disque semble avoir été enregistré dans des conditions live. On n’est donc pas surpris de constater, dès qu’ils entament le morceau introductif de « Now », « Opening Scene », que oui, Angil and the Hiddentracks en concert, ça fonctionne terriblement bien.

Visuellement déjà, la formation ne ressemble à rien de connu. Les six musiciens jouent assez proches les uns des autres. Mottet à la Fender Mustang, chaleureusement entouré des trois cuivres, de la contrebassiste et du batteur. Bien loin de l’éternelle formule guitare-basse-batterie. Et pourtant, question efficacité, la formation déviante n’a rien à envier à bon nombre de groupes plus ouvertement rock’n’roll. Mottet rugit sur le génial « Swan Song for a Refuge » tandis que les trois cuivres se baladent dans la salle, au milieu du public, en poussant des soli free dignes de l’Ornette Coleman de la période Atlantic. La tension n’est pas en reste sur les excellents « Know-Hows » ou « Trying to Fit », mettant l’accent sur le chant rappé de Mottet, quand « To Progress » nous ramène au pur rock indé avec son final de guitare noisy.

Heureusement, et c’est la marque des grands, Angil ne sacrifie jamais l’émotion au profit de la seule efficacité. Les magnifiques « When He Says Your Name » ou « I have Stopped Wondering » sont là pour nous le rappeler. Tout comme un morceau inédit à la mélodie gracieuse et sensible, joué en guise de conclusion. Et pour couronner le tout, le groupe fait preuve d’une grande humilité : « C’est la troisième fois qu’on ouvre pour Why? et on est très contents. Je ne sais pas ce que vous pensez de leur dernier album, mais nous on n’a pas arrêté de l’écouter ces derniers jours. C’est notre préféré. »

Vérification donc quelques minutes plus tard quand débarquent les Américains. L’introduction du concert est très réussie. Les cinq musiciens prennent possession des lieux avec un bel effet de symétrie : un batteur-percussionniste de chaque côté de la scène, deux filles derrière leur clavier au fond (parmi lesquels on retrouve notre amie Sarah Winters), un guitariste/bassiste au milieu.

L’entêtant morceau d’introduction, « Dirty Glass », est ravissant avec ses choeurs féminins. Sa mélodie lancinante créant une attente qui ne fait que monter dans le public jusqu’à l’arrivée d’un Yoni Wolf en très grande forme, dont le phrasé hip-hop fait mouche sur le titre « Good Friday », qui s’enchaine à merveille avec le précédent. La prestation de Why? est de très bonne facture : chant rappé impeccable de Wolf, groupe au diapason, son dans la salle très compact, pro, bon esprit (quelques phrases en français sont lancées par le guitariste ; Yoni fait des petites blagues) et générosité (ultime rappel, alors que les lumières de la salles sont rallumées depuis deux minutes, devant l’insistance d’un public visiblement conquis).

Donc oui, difficile de bouder son plaisir face à tant de professionnalisme. Et pourtant, justement, c’est aussi ce qu’on peut reprocher au concert des Américains : une mécanique trop bien huilée, pas assez d’accidents, pas assez de vie, de « live » autrement dit. D’où la sensation assez décevante d’assister à un concert légèrement aseptisé et pour tout dire un brin ennuyeux, un comble pour une musique qui, dans une certaine mesure, est censée trouver ses racines dans la rue. Cette sensation est d’autant plus prégnante que le concert d’Angil and the Hiddentracks regorgeait de ces moments de musique, de vie, où rien ne semble calculé, où tout peut arriver : une voix qui éructe soudainement, des cuivres qui rugissent brusquement, une guitare parfois indomptable. Finalement, ce soir, c’est Why? qui aurait dû ouvrir pour les Hiddentracks.

 

Setlist Angil and the Hiddentracks :

Opening Scene

Know-Hows

Swan Song For a Refugee

When He Says Your Name

To Progress

I Have Stopped Wondering

Ending Sequence

Trying to Fit

Jackson Jr. Redding

Chanson inédite

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