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Un adieu impossible, à Jean-Louis Murat

Il n’y avait rien, ou presque. La France, morne plaine musicale, mis à part quelques francs-tireurs (Bashung) ou artisans pop (Daho, Darc et quelques autres), lorsque Jean-Louis Murat apparut sur la scène musicale d’ici à la fin des années 80, le temps d’un Cheyenn Autumn  racé, synthétique et littéraire à la fois (1989). La langue d’ici prenait quelques couleurs, organique et sensible. « Je venais retrouver / Entre ces peupliers / L’état de grâce / L’ombre fugace / Que l’on pourchasse » (Amours débutants)

Entre ombre et lumière, l’auvergnat, né Jean-Louis Bergheaud en 1952, ouvrait une voie, veine sentimentale et autofictionnelle, dans laquelle s’engouffreront, chacun à leur manière, les artistes majeurs de la décennie suivante : Dominique A et Miossec notamment. Lettré, provocateur, le visage tourné vers l’Amérique, Murat deviendra un phare de la chanson d’ici, enfin digne, pendant toute la décennie 90, marquée par Mustango (1999), chef d’oeuvre impérissable enregistré en compagnie de la précieuse équipe de Calexico. Avant de traverser les années, avec un sens des aventures musicales (avec Isabelle Huppert, The Delano Orchestra,…, pour flirter avec la bossa, le folk ou l’electro-pop), et une exemplarité rarement démentie, à l’écart d’un milieu mainstream qu’il se plaisait à détester.


Quelques heures, après avoir appris son décès brutal (le musicien était encore sur scène, à Tulle, il y a quelques jours), et à la veille de la sortie d’une vaste compilation regroupant 40 de ses titres et autant d’années de carrière) nous pensons, singulièrement, à quelques images, accrochés à un intense sentiment de nostalgie. Lorsqu’un artiste majeur nous quitte, sa voix disparaît avec lui, et sans doute davantage pour Murat que chez d’autres : la suavité de celle-ci, sa proximité immédiate, à un souffle près, parfois, pour nous faire partager quelques-unes des plus belles fêlures sentimentales.

On se souviendra aussi de ses mots sur Ramuz, de la beauté des paysages liquides du Manteau de Pluie (1991), influencés par le meilleur de la pop anglaise (Prefab Sprout ou Talk Talk). On se souviendra de son corps jeune, photographié sur les hauteurs de son Auvergne natale, comme pour signer encore, et toujours, son attachement aux grands espaces, aux mouvements du ciel et du vent. Aux animaux qui peuplent le monde et que l’on écorche, pour en faire des trophées. Au sang versé, à la beauté des femmes et de la mini-jupe de PJ Harvey, à celles des gestes primitifs dans une Nature belle et hostile, porteuse de toutes les mélancolies. « C’est le cri de la terre / Des oiseaux et des poissons / Depuis toujours il opère  / Dans toute imagination / Il t’arrache les bruyères / Mais tu connais même pas son nom » (Le cri du Papillon).

On se souviendra de ses poses, de sa prolixité – combien de chansons laissées en chemin, combien composées chaque jour ? -. De son sens des formules, constellant par milliers sa longue discographie devenue sinueuse au fil du temps. Ce sens des mots, touchant juste et souvent au cœur. « J’ai fréquenté la beauté / Je n’en ai rien gardé » (J’ai fréquenté la beauté).

Et plus encore : son regard d’un bleu vif, mariage d’intelligence et d’ironie mordante. La vie selon Murat, et rien, non rien aujourd’hui, pour l’effacer. 

« Oh, je meurs mais je sais / Que tous les éperviers / Sur mon âme veilleront » (Le Col de La Croix-Morand).

NDLR : Retrouvez quelques chroniques d’époque du berger de Chamalières.

« Mustango » (1999)

« Le Moujik et sa femme » (2002)

« Lilith » (2003)

« A Bird on a Poire » (2004)

« Le cours ordinaire des choses » (2009)

« Toboggan » (2013)

« Babel » (2014)

« Morituri » (2016)

Ainsi qu’un entretien savoureux comme il se doit ici et des compte-rendus de concert à La Route du Rock 2002), Sin Le Noble (2000) et au Café de la Danse (2004), Nantes (2013).

31 comments
  1. Guilbault Véronik

    Sensibilité à fleur de peau , voix douce et enjoleuse, mots percutants et provocateurs parfois ( mais pour le bien )…
    Parolier hors norme , au plus près de la Nature et du Cœur.
    Un artiste singulier et rare …💖

  2. Delaunay Michelle

    Merci pour ce très bel hommage à un homme exceptionnel. Comment oublier cette merveille qu’est « on va se mettre aux anges »…

  3. Saulnier Anita

    Mon Dieu, je n’ai jamais lu un tel hommage. Magnifique. Digne de Jean Louis Murat, quelle plume plongeait dans l’amour que nous lui portons tous. Les orphelins d’orcival. Je suis touchée en plein cœur ❤️, vous m’avez désarçonnée. Je suis Auvergnat exilée en Dauphiné mais pas
    libérée

  4. Dominique Jaggi

    Combien sommes-nous à comprendre, et malheureusement à admettre, que nous avons perdu le plus grand, le plus poétique, le plus séduisant de tous nos artistes auteur compositeur, et peintre…
    Nous n’oublierons jamais cette voix magique qui s’accordait si bien à l’univers qu’il nous offrait !!!

  5. Saulnier Anita

    Je disais pas libérée paysages volcaniques, des lacs, du patrimoine. De tout ce que nous offre à voir le regard bleu et à entendre la voix envoûtante du poète Jean Louis berghaud. Murat j’ai le manque de toi. Fidèlement et à toujours.

  6. Brigitte

    Encore sur les planches dernièrement … Qu’à t-il pu se passer ? Rien ça arrive ? Incroyable ça arrive beaucoup depuis un moment… Mais faire une relation avec l’arn messager dans les nouveaux vaccins expérimentaux ce serait politiquement incorrecte ? Dommage en tout cas pour Murat, on a perdu un artiste que j’aimais bien, authentique qui se fichait bien du politiquement correct 😢

  7. Palabost

    Jean Louis Murat était et sera toujours un très très très grand monsieur de la chanson française..C’est un vrai poète et ses textes ciselés a coup de magie resteront à jamais gravé dans ma mémoire…Il restera à coup sûr dans le temps et son oeuvre lui survivra,l s gens se rendront compte combien des personnes comme cela sont importante à la vie…Nous ne t’oublierons jamais MR Murat…Vous êtes un très grand monsieur…🙏🙏🙏

  8. Dupont

    Je suis outrée qu’il n’y ai eu AUCUN hommage télévisuel, rien! Comme s’il n’avait pas existé ! C’est honteux!
    Mais il sera immortel !

  9. Éric Lallee

    Jean Louis 40 ans que je t’aime, depuis l’album passion privée que tu m’as signé un soir de pluie à Mouans Sartou.

  10. Lavielle

    Jean Louis Murat était à part…c est cela qui faisait sa richesse, sa beauté…il était hors du temps…. il restera dans mon Cœur à jamais …

  11. CELLIER Régina

    Quel chagrin …
    Comme si j’avais perdu l être le plud proche …
    Tout me bouleverse chez J.louis ..
    Sa voix chaude et envoûtante.. sa musique . .ses paroles
    Bref ..
    Immense chagrin à l’idée de ne plus le revoir sur scène
    Rien de plus cruel que la mort …

  12. Leduc

    Ta voix nous manque et ton regard aussi.
    Mes condoléances à sa famille.
    Cordialement Mme Edwige Leduc 🙏 envoyé

  13. Christine

    Merci pour cet émouvant hommage tant mérité.
    Le vent, la pluie, toute la nature nous gardera le souvenir de tes paroles oh combien poétiques de tes yeux perçants reflétant une si belle âme, de ta voix quelque peu envoûtante.
    Oui sur les montagnes d’Auvergne chère à mon cœur, les éperviers veilleront sur ton âme Jean-Louis

  14. BONOMO

    « Si je devais manquer de toi,autant me priver pour toujours.. » Jean-Louis Murat un artiste rare et sans compromis.
    Un triste jour pour la chanson francaise et pour la musique en général.
    Dur dur .

  15. red

    Un très grand artiste loin de ce monde merdique de la musique s’en est allé. il fallait avoir de vrais oreilles et une profonde sensibilité pour décoder jean-louis murat. Je suis très triste d’avoir perdu mon pote virtuel qui envahissait agréablement ma vie avec ses douces musiques. Adieu mon Jean Louis.

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