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Disques

Grian Chatten – Chaos For the Fly

Après trois albums au sein de Fontaines D.C., le chanteur irlandais Grian Chatten sort un premier disque solo à l’apparence sereine et apaisée n’éludant pas pour autant de réels tourments intérieurs.

L’arrivée du succès a souvent été la cause de tourments intérieurs pour nombre de rock stars, l’enchaînement des tournées et le fait de vivre en permanence loin de chez soi pouvant facilement provoquer anxiété et dépression ainsi que le souhait, alors très prégnant, de se poser et de s’enraciner. C’est ce qu’a ressenti Grian Chatten qui, avec à la fois la popularité et la grande productivité de son groupe Fontaines D.C., auteur de trois albums en trois ans, a eu besoin de de calmer le jeu pour, en quelque sorte, se retrouver. Mais, étant donné l’insatiable appétit de l’Irlandais pour l’écriture et son grand amour de la poésie, ce calme recherché ne pouvait se concrétiser que par un nouvel album qu’il entendait cette fois-ci réaliser lui-même, ne voulant pas faire de compromis avec les idées qui lui venaient. Il s’est alors remis à travailler avec Dan Carey, le producteur habituel du groupe, pour, au bout de deux semaines d’enregistrement, accoucher de son premier album solo.

A l’écoute de ce disque, le contraste est assez saisissant entre ce que l’on peut entendre et ce à quoi Fontaines D.C. nous avait habitués, tant la musique s’avère ici plus calme et surtout la voix plus posée et relâchée de la part de Grian Chatten. La tension et la gravité inhérentes au groupe, y compris sur leur dernier album “Skinty Fia”, laissent la place à une ambiance apparemment plus sereine et apaisée, comme le démontre tout de suite “The Score”, courte introduction mélangeant folk et sonorités plus modernes. Cette variété est l’autre grande caractéristique de cet opus mixant tradition folk et modernité à la fois rythmique et synthétique.

Que ce soit avec les changements de rythme de “Fairlies”, single au réel potentiel accrocheur au travers de son refrain en particulier, avec le style chatoyant d’un crooner de casino à l’aspect légèrement suranné de “Bob’s Casino” (qui n’est pas sans rappeler les chansons de Baxter Dury ou de The Divine Comedy) ou avec le très beau “East Coast Bed” aussi mélancolique que synthétique, toujours sans en faire trop, Grian Chatten sait montrer l’étendue de son talent propre. Il le fait encore plus, au milieu du disque, avec “All Of The People”, ballade vraiment touchante à la lenteur assumée et dont la beauté toute simple ne cesse d’émouvoir à chaque écoute.

Sur cet album, se trouve aussi “Salt Throwers off a Truck”, sorte de folk celtique pouvant faire penser aux Pogues, groupe apprécié par Grian Chatten, et dont le côté rêche et heurté tranche nettement avec les autres morceaux. Lui succède “I Am So Far”, folk plus ample et arrangé notamment marqué par les chœurs de Georgie Jesson, la compagne du chanteur (elle intervient aussi sur quelques autres titres) et qui s’inscrit alors clairement dans les pas d’un Bruce Springsteen ou d’un Neil Young. L’album se clôt finalement sur “Season For Pain”, chanson à l’image de l’album, plutôt calme mais aussi très variée avec ses nombreux changements de rythme. L’apaisement et la sérénité semblent donc de mise sur ce disque mais, en réalité, tout du long, cela est constamment contredit par des paroles empreintes de distance et de détachement (« I can live alone » répété en boucle sur “Fairlies”) qui ne sont toutefois pas exemptes d’une volonté de rédemption (« I’ll hope that I lived like those salt throwers heads / Drove over the treasury and helping the next » sur “Salt Throwers off a Truck”).

Nous avons donc pu voir que l’aspect calme et relâché de la musique de Grian Chatten pouvait recouvrir certains tourments personnels consécutifs au succès de Fontaines D.C., cet album n’exprimant, au bout du compte, qu’une simple volonté de sa part d’être compris. De notre côté, en tant qu’amateurs de musique, ce disque prouve surtout, s’il en était encore besoin, que Grian Chatten et Fontaines D.C. se placent définitivement parmi les grands artistes musicaux du moment. « I’m gonna be big » scandait-il en introduction de “Dogrel”, le premier album du groupe. C’est désormais chose faite.

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