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Disques

Wilco – Cousin

Après (mais en fait avant…) le blueseux et bouseux “Cruel Country”, Wilco retrouve la piste tant attendue des albums expérimentaux. Et c’est le drame… Pire : la déception.

Wilco a un glorieux passé et ne se repose pas sur ses lauriers, c’est entendu. Que la bande à Tweedy continue de produire année après année de bons albums est un fait bien documenté, notamment sur ce site depuis “Yankee Hotel Foxtrot”. Mais voilà, on est entré, il me semble, dans la phase grise et c’est décevant.

Un peu de chronologie. Wilco travaillait sur “Cousin” avant de se mettre en pause pour accoucher de “Cruel Country”, les deux sont donc un peu… jumeaux. Et si “Cruel Country” baigne dans le jus de son titre, ce “Cousin” renoue, très franchement, avec les triturations hautement enthousiasmantes de “YHF”, ce qui devrait nous combler… mais les chansons sont plutôt moyennes et les textes guère enthousiasmants.

Tout commence avec “Infinite Surprise” qui met la barre très haut, se hissant – tout de même ! – dans les meilleurs titres de Wilco so far, avec ses percussions qui saturent la piste d’emblée, la chanson qui se déploie, se fait parasiter par des grésils d’amplis et autres larsens. Des guitares qui gently weep, un magma sonore qui coule sur la chanson pour la déplacer, des jeux sur les voix et une fin tout en crépitements sourds. Arrêtons-nous là… parce qu’après ce sommet, on attend la suite qui ne vient pas.

Il faut atteindre le mitan de l’album avec “Sunlights End” pour retrouver une belle matière avec une percu électronique et des grattouillis pleins de reverb.

Entre temps, on navigue dans des cousinades de “Cruel Country”. Bien faites et élégantes comme “Ten Dead” et son décompte de morts journaliers absurde dans cette belle Amère-hic avec un Tweedy mithridatisé à coups de journalisteries pathétiques. Autre point positif :  des chansons d’amour nounours typiquement Tweedy comme “Evicted” ou  “Soldier Child”. Tout est bien, tout est bon, mais reste dans un milieu finalement peu reluisant après la fête “Infinite Surprise”.

On reprend un peu des chemins de traverse avec “A Bowl and a Pudding”, à la fois beatlesiens (mélodies et arpèges) mais avec des matités intéressantes (Glenn Kotchke, la puissance du cuir).

“Cousin”, l’album, le titre, nous fait l’impression d’une réalisation finalement peu aboutie ou au contraire trop. L’expérimentation comme une technique et non comme un appel d’air. C’est l’album des espoirs déçus. Même les guitares de Nels Cline sonnent presque comme convenues dans leur bordel négocié (“Cousin”, encore).

Là ou « YHF » prenait la poudre d’escampette et risquait tout (avec O’Rourke en garde-fou, au sens propre et figuré) ici tout semble calibré et rien ne sent son va-tout. On ne jette pas la pierre à Cate Le Bon, productrice correcte ici, mais plutôt à Wilco.

Pour autant, on n’est pas dans un mauvais album ni dans une mauvaise passe mais on sent que Wilco est dans une zone de confort, y compris dans son versant le plus brouillon et que tout est trop bien en place alors que les expérimentations de « YHF » étaient au diapason des fêlures qui habitaient les chansons et leurs auteurs.

Alors, oui, il y a des éclairs acides, comme dans “Pittsburgh”, qui lacèrent la chanson comme des pluies mauvaises, pourtant appréciées par l’auteur (« I love the rain/And how the rain can turn/Shit into a rose »), et font écho aux touches-coups de rasoir des couleurs de Van Gogh.

« I empty my suitcase

In the street in the rain

Time slows like a new Van Gogh

Setting fire to the frame

(…)

Am I gone

Before I go »

Et là, ça fonctionne. Bien mieux que dans ce qu’on serait tenté d’appeler un pastiche de New Order sur “Meant To Be”, sauvé in extremis des oubliettes par un joli jeu de baguettes de Kotchke avec une belle spatialisation (à moins que ce ne soit un collage du fiston Spencer Tweedy ?). Mais il faut chercher dans les détails, toujours charmants, toujours malins, d’un certain emplâtre (pour être méchant), en fait d’une construction trop solide pour être empreinte de poésie.

“Levee”, malgré une superbe entrée en manière percussive quasi collage mais en fait véritable accroche, ne décolle jamais vraiment. On navigue dans des eaux déjà arpentées de “Sky Blue Sky”, mi-figue mi-raisin, mais sans réelles profondeurs sensibles.

Restons mesurés, “Cousin” est un bon album de Wilco mais pas la fête promise et attendue et donc :

« I’m never gonna see you again

I’m evicted

From your heart

I deserve it »

Avec l’aide de Johanna D, qui m’a confié que, pour la première fois de sa vie, un album la déprimait et c’était “Cruel Country”.

“Cousin” est sorti en numérique, LP et CD chez dBpm le 29 septembre 2023.

One comment
  1. lokiiii

    Sans être incroyable, Cruel Country s’était relevé plutôt satisfaisant et j’avais carrément adoré Ode To Joy qui le précédait.

    Mais là, je ne me suis jamais emmerdé autant qu’avec celui là.

    Franchement, il est vraiment plat, tu parles d’une production, les choix sur les voix sont mauvais, Cline a jamais été aussi en retrait.

    Sans relief. Je me demande quand même ce que ça donne sur scène, car de ce côté là, on est rarement, voir jamais, déçus avec Wilco.

    Mais c’est le premier disque qui ne me convint vraiment absolument pas depuis bien longtemps. Pour le moment, le pire juste devant A.M. Certains textes demeurent malgré tout superbes.

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