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Interviews

Sur la platine d’Extraa

Extraa est né en 2019 de cinq années d’amitié entre Antoine et Alix (d’où le double « a »), deux musiciens français déjà aguerris. Accompagnés de Pedro (basse) et Thomas (guitare), ils sortent en 2020 un premier album, “Baked”, sur le valeureux label Requiem pour un Twister. Son successeur est arrivé en novembre sous le titre “Out of Phase”. On y retrouve une indie pop de belle facture, variée, aux mélodies fortes et aux sons très organiques, empreinte à la fois de vigueur et de mélancolie.
Chaque morceau est finement ciselé (avec notamment l’apport de cordes, déjà présentes sur le disque précédent), tout en dégageant une impression de spontanéité, à la façon des derniers Beatles qui semblent être une référence ici. L’usage de l’anglais y apparaît comme un choix logique, même si une reprise de “Quand la ville dort” de Niagara s’est glissée parmi les dix morceaux. On pense souvent aux années 90, aussi bien du coté de la Britpop que du rock alternatif américain (Breeders, Eels, Pavement…), et Alix revient également sur certains titres à ses débuts plus folk sous l’alias Melody Says. La sélection que le groupe nous a livrée confirme ces impressions, tout en ouvrant vers d’autres genres. A découvrir ci-dessous.


Blur – No Distance Left to Run 

Antoine : « Sans doute la chanson de rupture la plus juste et tristement fataliste jamais écrite. Peu de gens le savent, mais la relation Justine Frischmann (leadeuse de feu Elastica) / Damon Albarn a inspiré aux deux stars de la Britpop des chansons d’amour phares de leur discographie, parfois un peu dark : “Beetlebum”, “Tender”, “Stutter” et “No Distance Left to Run”, entre autres. Ce dernier titre, c’est l’incursion parfaite du réel qui nous broie dans l’écriture musicale, loin des clichés mielleux et sans inspiration des poncifs de la pop moderne, car quitte à ce que la radio nous bassine H24 les oreilles avec des chansons d’amour, autant que celles-ci soient écrites avec un minimum de talent et de sincérité. »


Isolde Lasoen – Oh Dear 

Alix : « Comment ne pas craquer sur cette intro en écoutant ce break de batterie arriver sur cette ligne de basse si cool ? Isolde Lasoen est une artiste incroyable ! Batteuse venant de la scène jazz, elle est aussi compositrice, auteure, chanteuse, elle porte elle-même tout cet univers ultra bien écrit et enregistré. J’adore le côté cinématique de ses compositions, sur ce morceau c’est presque de la pop orchestrale, chaque petit détail est parfait. »


Porridge Radio – Born Confused 

Antoine : « Porridge Radio fait partie de ces groupes qui nous ont bien claqué la face en festival cette année, avec Clipping et Amyl & The Sniffers. Nous étions au Levitation (un de meilleurs festivals français, au passage) et avons vu le truc arriver grâce à des potes présents à leur concert à Art Rock la veille. La formule est plutôt classique, mais c’est tellement grisant de pouvoir encore en 2023, en pleine ère du rap partout tout le temps, être surpris par la qualité d’un groupe à grattes, majoritairement féminin et directement sur scène. Le chant est habité, l’instru dense et généreuse, ça rappelle The Organ et ça donne envie de continuer à faire de la musique avec passion. »


Prince – 17 Days (Piano & A Microphone 1983 Version) 

Alix : « Je n’avais jamais réussi à entrer dans l’univers de Prince, et à me faire transporter par son énergie, son écriture. Pendant le mix du nouvel album d’Extraa, la tête et l’esprit en compote, l’ingé son du studio nous a fait écouter ce morceau qui nous a tous fait halluciner. Sans nous dire que c’était Prince. J’étais retournée de l’apprendre par la suite. Il est si habité, on écoute un homme orchestre sur cette interprétation, autant à taper le rythme sur son piano, groover sur les notes par-dessus et poser sa voix avec une émotion si pure ! Ce morceau vient d’un album sorti en 2018, peu après sa mort, avec des archives, démos, versions acoustiques, etc. Depuis ce jour là, j’ai compris pourquoi les gens pouvaient dire : “mais quoi ?? T’AIMES PAS PRINCE ??” »


Hayden Besswood – Colors & Vows 

Antoine : « Une des dernières signatures de Requiem pour un Twister, notre maison de disques. Hayden Besswood, c’est un niveau de musicalité et de composition que l’on pourrait facilement comparer à de l’artisanat ou à de l’orfevrerie, à la Grizzly Bear ou Animal Collective. Récemment, nous avons pu rencontrer Quentin, la tête pensante du projet, avec qui nous partageons un bagage musical et un amour des rades nantais. »


Paul McCartney – Uncle Albert / Admiral Halsey 

Alix : « “Ram” est le deuxième album solo de McCartney, il n’a pas été très bien reçu par le public et pourtant, il s’y cache une montagne de pépites propres à son écriture si reconnaissable. On y décèle encore beaucoup son âme Beatles, on pense forcément au medley d’“Abbey Road” en écoutant ce morceau. Nous sommes ici en plein dans l’univers d’Extraa et de ce qui nous fait vibrer. »


Courtney Barnett – Nameless, Faceless 

Alix : « Au-delà d’être mon sosie, Courtney Barnett est une artiste que j’admire beaucoup, elle est une grande inspiration pour Extraa, notamment sur les morceaux plus rock/noisy. J’aime la manière dont elle interprète ses chansons, il n’y a pas d’artifice, de démonstration vocale, c’est très raw, dans ta face, très dry. Ça fait du bien ce genre d’univers, on ne va pas chercher midi à quatorze heures, quelques guitares, une basse, une batterie, et cette voix nonchalante qui s’adresse à nous. Ça marche et c’est plaisant dans sa simplicité, même si ce qui sonne simple est souvent le plus complexe à réaliser musicalement. »


CRCK/LCKS – Kiss

Antoine : « Ce morceau de 2019, c’est un peu la continuité moderne du meilleur de la funk/soul japonaise (et chantée par des femmes) des années 70-80 : Taeko Onhuki, Hako Yamasaki, Hiromi Iwasaki… Ce qui marque le plus dans cette bibliothèque musicale passionnante, c’est la cohérence de cette écriture japonaise typique, qui a su s’approprier les codes de la musique funk/soul américaine tout en y apportant sa patte sonore absolument unique. Outre la maestria instrumentale de certains passages (le groove batterie improbable des couplets de ce “Kiss”, par exemple), le point commun des morceaux de ces artistes/groupes est qu’ils “sonnent” japonais, des enchaînements d’accords au choix des sonorités. Nous ne saurons que vous conseiller de les écouter attentivement, et de découvrir par la même occasion les nouveaux représentants de cette scène unique et passionnante : Chai, Zazen Boys, YeYe, Lucie Too, Otoboke Beaver… »


Bot’Ox – Blue Steel 

Alix : « C’est notre morceau de cœur dans notre bromance avec Antoine, clairement celui qui symbolise notre amitié, celui que l’on met à 4 heures du matin en volant le Bluetooth de la sono, celui que personne ne connaît mais que tout le monde finit par aimer.
Ça fait des années que ça dure et on s’en lassera jamais. 
Petite anecdote, c’est la chanteuse du groupe Juniore au micro. »


100 Gecs – Doritos & Fritos 

Antoine : « Le morceau le plus what the fuck de cette playlist. Décrite comme hyperpop par certains, électro-expérimentale par d’autres, la musique de 100 Gecs laisse rarement indifférents les auditeurs qu’elle percute en pleine poire avec fracas et AutoTune. Pot-pourri parfait de tout ce qui était cool dans les années 2000-2010 (Prodigy, Does It Offend You, Yeah?, Kap Bambino, Sleigh Bells…), leur son titille chez nous au Taser la nostalgie des années lycée/fac, tout en nous autorisant à apprécier ce qu’on pensait ne pas aimer du pire de la pop commerciale, comme ces lignes de chant parfois hyper cheesy / indus, ainsi que cette utilisation quasi indigeste de l’AutoTune, qu’on finit par apprécier comme un gros kebab bien graisseux de fin de soirée. »


Photo : Ella Hermé.

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