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Concerts

David Thomas & the Two Pale Boys, Austin Lace – Nouveau Casino, Paris, 31 mars 2005

DAVID THOMAS & THE TWO PALE BOYS, AUSTIN LACE – Nouveau Casino, Paris, 31 Mars 2005

La veille du premier avril, les programmateurs du Nouveau Casino ont fait une belle farce aux Austin Lace. Pour leur premier concert à Paris, les Belges à la pop acidulée (voir article et interview) se retrouvent en première partie de David Thomas, le Pere Ubu du rock corrosif et torturé américain. Le choc des cultures, d’accord, mais là n’est pas le problème. Non, le problème est dans la salle. Un public de quadras arty et blasés, venus pour David Thomas et postés froidement à dix mètres de la scène où nos Belges essaient de réchauffer l’atmosphère. Peine perdue ! Chaque morceau d’"Easy to cook", petit chef-d’oeuvre de pop accroche-coeur passé quasiment inaperçu parmi la déferlante des groupes wallons, se clôt dans un silence glacial. Une poignée de fans applaudit, le staff aussi, mais Fabrice, le chanteur, n’y tient plus. "On ne joue pas la même musique que Pere Ubu, mais on s’était fait une joie de jouer devant vous, le public de David Thomas. On s’appelle Austin Lace et on va bientôt partir", lance-t-il avec amertume au public, au milieu du set.

DAVID THOMAS

Pas rancunier, le groupe se fond dans la foule, à présent compacte, pour assister à la prestation de l’attraction de la soirée. Le public se rapproche de la scène et se resserre. C’est un monstre qui arrive sur scène. Un ogre énorme, barbe hirsute, regard d’échappé de Sainte-Anne et physique d’ours. Le voilà qui s’empare d’un accordéon après avoir enfilé un tablier rouge, qui le fait ressembler à un boucher sanguinaire. On sourit, puis plus du tout. La voix qui vient de jaillir de ce corps gargantuesque s’étrangle, se tord dans les aigus, s’écorche et saigne. Un guitariste planant et un trompettiste virtuose épaulent l’irascible père Ubu, tissant autour de sa voix une atmosphère envoûtante, sombre et désolée, calme mais guère rassurante. On se croirait de nuit dans une zone industrielle en friche, dans une impasse mal famée ou sur une autoroute abandonnée. David Thomas trône au centre de la scène, éructe et gémit, cabotine un peu. Il évoque une tournée de Pere Ubu en Scandinavie dans les années 1980 (en première partie de… Kool & The Gang !), descend une bouteille de bière cul-sec sans grimacer et enchaîne avec une lampée de whisky. Entre délires de poivrot et coups de génie d’un vieux dégueulasse à la Bukowski, le concert file et le bonhomme tient son public dans sa pogne. Il ne le lâchera pas jusqu’au dernier morceau, une reprise des Beach Boys qui voit le trompettiste voler la vedette à l’ogre terrible. En chantant dans le micro de sa trompette, sa voix s’envole dans des aigus incroyables, descend, tourbillonne, dessine des volutes. Le public en reste bouche bée. Puis les lumières se rallument et David Thomas s’assied en bord de scène pour vendre ses disques de la main à la main. La foule, encore sous le choc de l’émotion, se presse pour acheter le dernier cru de l’Ubu. Dans la foule, les gars d’Austin Lace observent la scène, goguenards. Ironie du sort : les voilà dans le même rôle que Pere Ubu en première partie de Kool & The Gang. Dommage que le public ne l’ait pas compris.

V

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