Loading...
disques

Gravenhurst – Interview

GRAVENHURST

Non, ce n’est pas avec un songwriter folk tourmenté que la rencontre a lieu, mais bien avec un Nick Talbot ravi de discuter (en général) et d’apporter des précisions (en particulier) sur son dernier album « Fires in Distant Buildings », un disque de rupture complètement assumé comme tel. C’est dans un élan de sociabilité évidente que le musicien livre les clefs de son troisième disque, avant d’entamer, peut-être, une brillante nouvelle carrière de publicitaire.

L’un de mes « collègues » vous avait déjà rencontré après la sortie de « Flashlight Seasons« . Vous aviez terminé l’interview en disant que vous projetiez un nouvel album qui sonnerait « entre Bert Jansch et Slint ». C’est ce que vous avez obtenu ?
Oui, en quelque sorte. Si vous prenez l’avant-dernière chanson de l’album « Song from Under the Archers », en un sens ça ressemble pas mal à ce que pourrait faire Richard Thompson. Sur cette chanson, il y a tous les éléments qui font une chanson folk, avec le fingerpicking etc. Mais on y trouve aussi quelque chose de beaucoup plus rock, presque noisy. C’est entre les deux. C’est difficile d’en parler vraiment parce que je viens de terminer l’album, mais… Il y a de nombreuses et diverses influences sur ce disque et le challenge a été de faire tenir tout ça en un tout à peu près cohérent. J’imagine bien que certaines personnes vont vraiment aimer l’aspect très rock de certains titres, mais ne vont peut-être pas aimer du tout une chanson comme « Nicole ». Mais on verra. Peut-être que certaines personnes seront converties à l’ensemble du disque.

Qu’est-ce qui a vous a décidé de changer à ce point votre style ? Vos deux premiers disques étaient plutôt folk. Vous étiez peut-être un peu agacé par les comparaisons avec Nick Drake que les journalistes n’ont pas arrêté de faire ?
Mes racines sont vraiment dans l’indie-rock : les Smiths, My Bloody Valentine, Stereolab, Joy Division, des choses de ce genre-là. J’écris de la musique depuis très longtemps. La première chanson par exemple, « Down River », qui est peut-être celle qui sonne le plus comme Joy Division ou Slint a été écrite en 1998, avant même que soit sorti le premier album de Gravenhurst. C’était avec mon groupe précédent. J’aime beaucoup ce qu’on faisait à cette époque, mais je n’ai pas enregistré grand chose. Ce n’est pas facile de faire du rock bien accroché dans une chambre avec juste un micro pourri. Donc il a fallu attendre d’avoir les moyens de le faire, entrer en studio, etc. J’imagine que si je n’avais pas eu l’occasion d’enregistrer dans ces conditions, j’aurais fait à nouveau un disque folk. La plupart des choses que j’écris maintenant vont vers un son plus rock, plus dur. Mais, mes goûts musicaux sont vraiment variés.

Ce n’est pas seulement parce que vous aviez envie de détruire une fausse image qu’on s’était faite de vous ?
Non, pas du tout. Je pense que je n’ai pas pensé à ça autant. Quand j’ai signé chez Warp, la maison de disques était vraiment fan de Flashlightseasons, mais elle ne savait pas vers quoi j’allais aller après. J’ai enregistré « Blackholes in the Sand » qui s’éloignait déjà d’un moule purement folk. C’était beaucoup plus sonique, avec une plus large palettes de sons qui venaient s’y croiser. Et puis, j’ai joué les démos du nouveau disque à Steve (de Warp) et lui ai expliqué que je voulais qu’il sonne vraiment différemment. Et il était tout à fait partant, quand je lui ai dit que le disque sonnerait plus comme du Slint ou du Velvet Underground, ou ce genre de choses…

En effet la dernière chanson, qui est une reprise des Kinks, sonne vraiment comme du Velvet Underground. Ça faisait partie de vos intentions d’attirer l’attention explicitement vers d’autres références ?
La première fois que j’ai écouté Nick Drake, c’était vers 1999 ou quelque chose comme ça, et j’écoute le Velvet depuis que j’ai 13 ans donc… Nous avons décidé de faire cette reprise des Kinks parce que nous voulions une chanson avec laquelle nous pouvions faire quelque chose de différent. Nous ne voulions pas d’une photocopie de l’originale. Il n’y a pas de sens à faire une reprise si ce n’est pas pour pervertir l’originale, d’une certaine façon. Je trouvais ça marrant de faire une reprise des Kinks parce que Gravenhurst est vraiment un groupe anglais pour moi. J’ai donc pris un groupe typiquement anglais, mais une chanson qui sonne parmi les moins anglaises de leur répertoire, « See my Friends », qui a un côté très psychédélique de la Côte Ouest. Je trouvais ça très stimulant de la reprendre à la façon du Velvet Undergroud, Spaceman 3, ce genre de choses. Ou comme du Ride aux débuts. Il y a beaucoup de groupes que j’apprécie vraiment, mais pour moi, beaucoup font les mêmes disques encore et encore… Ça n’empêche pas d’y trouver de bonnes chansons mais bon… C’est drôle il y a déjà eu des réactions très bizarres par rapport à mon disque. La presse jusqu’ici, a été très positive. Mais nous avons joué des concerts à Londres il y a quelques jours, en première partie de John Parish. Et il y avait cette fille dans la salle, qui me hurlait dessus pendant tout le concert : « Pourquoi vous jouez si fort ? Pourquoi vous jouez si fort ? Quand j’ai découvert votre musique, c’était vraiment beau. Pourquoi vous ne pouvez pas jouer les chansons calmes ? Pourquoi vous jouez si fort ? » J’ai essayé de lui expliquer et… j’aurais vraiment aimé discuter de ça autour d’une bière tranquillement après le concert. Mais là, devant toute putain de salle de concert qui a payé pour voir et entendre de la musique… Hier soir, j’ai vu le documentaire de Martin Scorcese sur Bob Dylan, et sur la façon dont les gens l’ont insulté, en criant « Judas » à la fin d’un des concerts où il jouait rock. Et ça m’a vraiment frappé de constater à quel point les gens pouvaient être conservateurs et à quel point on n’a pas bougé depuis les sixties. Les gens n’ont pas l’air de comprendre que quand on est dans un groupe, on peut se laisser emmener par ses aspirations. La même chose est arrivée à Neil Young, avec le concert « Rust Never Sleeps », où il jouait tout seul à la guitare au début et puis a fait une seconde partie de concert très rock. La moitié de la salle a dû partir. Mais je ne sais pas, j’ai des goûts très diversifiés… Un peu comme beaucoup de gens d’ailleurs. Mais voilà… C’est le « Judas Album ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *