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Disques

The Irrepressibles – Mirror Mirror

THE IRREPRESSIBLES – Mirror Mirror
(Cooperative Music / PIAS) [site] – acheter ce disque

THE IRREPRESSIBLES - Mirror MirrorMe voilà franchement importuné. Occupé en ce moment à évaluer les rééditions du catalogue des Beatles tout en vantant à mes collègues de boulot, avec plus ou moins d’efficacité, leur virile clarté, leur étonnante justesse et la magnificence de leurs harmonies, je me surprends au réveil à aimer, voire bien davantage, un disque que mon cerveau trouve aussi somptueux que confus, émasculé et suppurant. La faute, évidemment, à McDermott, dont l’ample et fascinante voix semble issue d’expériences occultes dignes d’un Dr. Moreau voulant réaliser une improbable combinaison du chant de Danny Elfman, de l’organe du bouc châtré Freddy Mercury et du lyrisme hautain de Bryan Ferry. En musicologie, on appelle cela un falsetto ; dans le ghetto, une tafiole ; à POPnews, la principale arme d’un dramaturge dénué de tout scrupule faisant grincer nos enceintes lors de ses plus beaux aigus. Dieu sait qu’il y en a, de ces moments où McDermott bêle comme une Castafiore et n’hésite pas à les prolonger pendant de longues secondes durant lesquelles on se demande avec épouvante si notre chat ne va pas sauter par la fenêtre après que le simple vitrage se soit brisé.

Ces vagissements de diva ne sont pas tellement nombreux en réalité, mais mis en avant avec une telle régularité, et en vérité assez plaisants pour un masochiste de mon genre, qu’on ne peut en faire abstraction durant les premières écoutes. Le kappelmeister londonien nous attire dans son piège de la même manière que ces plantes carnivores rivalisant de beauté pour mystifier leurs proies avant de les gober. "Regardez-moi attentivement, écoutez-moi bien, aimez-moi mieux et pâmez-vous enfin devant l’oeuvre d’art que je vous sers aujourd’hui sur un plateau", il me semble entendre. "Mirror Mirror", disque au narcissisme tellement déployé, exposé et explicité qu’Antony & the Johnsons et Patrick Wolf, en comparaison, en viendraient à passer pour d’humbles et doctoraux ascètes franciscains.

Inutile de feindre la surprise, soyons honnêtes, le titre même de l’album faisant assez clair étalage de ses prétentions. Pissant sur le principe de précaution voulant qu’on ne mélange pas serviettes et torchons, McDermott et ses neuf musiciens frappent par leur talent à cultiver sur le même lopin de terre différentes souches dont la cohabitation n’est en général pas toujours du meilleur effet : le cabaret avec son attirail de théâtre, ses poses, ses ruptures et ses inévitables climax ("In Your Eyes"), le baroque avec ses sections de cordes bourgeonnant aussi soudainement que l’acné sous un visage adolescent, la musique contemporaine avec ses violons traités ("Transition Instrumental"), la pop agile et délicate d’un Pallett ou d’un Scott Walker ("My Friend Jo"). De quelle manière parviennent-ils à rendre tout cela si frais et attractif est un sujet que je ne me risquerai pas à traiter ici.

Souffrant un peu des mêmes défauts que le premier LP de Get Well Soon, "Mirror Mirror", que l’on y adhère ou pas, est un disque inhabituel, fier de son singulier statut, d’une si grande ambition qu’il ne peut que se vautrer assez misérablement à certains moments. Le disque, malgré ses bubons et son emphase, n’a rien de cet objet creux qui ne renvoie que du vide. Condensé, à la palette confinée au noir et au gris, il est d’une admirable unité, tant dans la forme que dans les thèmes abordés, agace, réjouit, blesse autant qu’il relaxe, violente par des fragilités mises à nues atteignant réellement la grâce sur une bonne moitié des titres présents, notamment lors du bouleversant finale.

Julian Flacelière

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My Friend Jo
I’ll Maybe Let You
In Your Eyes
Anvil
Forget the Past
Knife Song
My Witness
Nuclear Skies
Splish! Splash! Sploo!
The Tide
Transition Instrumental
In This Shirt

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