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Phantom Ghost – Pardon My English

Phantom Ghost - Pardon My English

Phantom Ghost fait partie de ces groupes auxquels on voue un culte gracieux et discret. C’est un nom qui se chuchote entre initiés, dans des rues étroites, quasiment sous le manteau. Le grand jour ne leur sied point, qu’ils ne recherchent d’ailleurs pour rien au monde. « Pardon My English », leur cinquième album, infléchit la nudité du quatrième piano-voix (le sublime « Thrown Out Of Drama School ») en sautillant à petits pas chassés dans le monde coloré du « musical » avec des refrains entraînants et musqués (« Dr Schaden Freud », « Phantom of the Operette »). Mais comme le duo allemand est passé maître dans l’art de l’esquive, « Pardon My English » contient aussi une suite instrumentale, divisée en trois et dont le merveilleux second volet – avec son vibraphone spectral – donnerait presque l’impression d’une poupée en porcelaine nous fixant de son oeil glacé.

Les frissons, chez Phantom Ghost, sont cocasses – un peu comme le « Fantome de Canterville » d’Oscar Wilde – mais ce sont des frissons. « Pardon My English » ne peut qu’être hanté : « In the Tittery », l’un de leurs probables chefs-d’oeuvre, dévoile une modeste épiphanie sur fond de douleur existentielle, au petit matin, près d’une volière. D’une musicalité retenue – un pont luminescent, le refrain repris en choeur avec Michaela Meise – il atteint une profondeur et une émotion incroyable par delà la basse affectée de l’exquis/génial Dirk Von Lowtzow. Comme si chaque album de Phantom Ghost, sur la corde raide, devait triompher du kitsch tutoyé puis mis à bas, du « camp » salué et congédié. « Dreams of Plush » avance ainsi comme une rêverie érotique pelucheuse et gay qui devrait autant à HP Lovecraft qu’à Jean Vigo (pour « Zéro de Conduite » : hum, ces « dortoirs bourrés » !), le tout sous des atours pop chamarrés entre le « Sing Your Life » de Morrissey et la bruissante « Caterpillar » de The Cure. L’orchestration de Thies Mynther, toujours aussi délicate et singulière, n’hésite pas, plus loin, à déshabiller de fond en comble le déchirant « Smashing New York Times » que Charles Strouse et Lee Adams avaient composé pour « Applause », une comédie musicale inspirée par « All About Eve » de Mankiewicz.

Et, de fait, derrière l’accorte élégance de la musique, se cachent des sentiments rien moins que sombres (cette débauche qui est « politesse » dans « Universal Prostitutions », le narcissisme anesthésiant de « Smashing… ») que les textes évocateurs ou mystérieux de Von Lowtzow – l’un des meilleurs paroliers actuels -parviennent à juguler avec une classe et un humour sans pareils (la réplique de Meise, « Enough Wagnerian tristesse », nous met en joie à chaque écoute de « Phantom Of the Operette »). Comme un haïku qui s’ouvrirait en grand sur le monde, « Three Limericks For Liberty » clôt d’un trombone songeur cette à nouveau merveille. Il est laissé à votre entière liberté le soin de vous y perdre.

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