Loading...
Disques

Hollie Kenniff – We All Have Places That We Miss

Par son approche intimiste et autobiographique de l’ambient, le nouvel album de la musicienne américaine s’inscrit dans un renouvellement et une féminisation de ce genre traditionnellement pratiqué par des artistes masculins.

“We All Have Places That We Miss” est le troisième album solo de la musicienne ambient Hollie Kenniff. Celle-ci s’est d’abord fait connaître en fondant avec son mari, Keith Kenniff, le duo de dream pop Mint Julep, auteur de quatre albums depuis 2011. Keith Kennif a lui-même une abondante carrière en solo avec des productions ambient sous le nom d’Helios (neuf albums depuis 2004), ainsi que, dans une approche plus néo-classique, avec la formation Goldmund (huit albums depuis 2005 et quelques belles collaborations comme l’apparition de Ryūichi Sakamoto sur “Sometimes” en 2015). Après avoir vécu près de Washington puis dans le Maine, le couple est aujourd’hui installé dans une île du nord du Canada où ils composent et produisent depuis leur home studio.

Mais revenons-en à Hollie Kenniff. Ses deux précédents albums, “The Gathering Dawn” en 2019 et “The Quiet Drift” en 2021, ont été accueillis positivement par la critique pour l’élégance de leur style atmosphérique et rêveur, leur tonalité volontiers nostalgique et mélancolique. Le regretté Angelo Badalamenti a pu être évoqué comme une référence possible aux compositions de Kenniff. On songe aussi aux beaux albums récents, entre naturalisme et méditation, de l’artiste Ann Annie également influencé par le compositeur de “Twin Peaks” (le très réussi “Wander Into” sorti en 2019 mérite que l’on s’y attarde).

“We All Have Places That We Miss” s’inscrit dans la droite ligne des productions précédentes de Kenniff. On y retrouve les guitares vaporeuses, les chœurs sans paroles intelligibles, les touches de pianos éparses, les boucles répétitives, les drones et sonorités cristallines propices à la rêverie, à la pensée vagabonde, à la convocation de souvenirs enfouis. Les onze titres sont autant de paysages musicaux planants s’enchaînant avec harmonie. Dès l’ouverture, avec le titre “Shifting Winds”, le climat est posé, nous introduisant dans un monde cotonneux, hors du temps et de l’espace traditionnels.

Partant de ce titre d’ouverture, les mélodies s’enchaînent comme la BO d’un film ou d’une série imaginaires. Si le tempo varie, plus rapide ou plus lent, d’un titre à l’autre, c’est toujours avec une fluidité qui confère à l’album une belle unité. Pour trois titres, Hollie Kenniff est rejointe par Goldmund et la partie de piano y est assurée par Keith, son mari.

Hollie Kenniff s’inspire des paysages qu’elle peut côtoyer, les vastes étendues de forêts canadiennes, les rivières et les lacs pour composer. On retrouve d’ailleurs ceux-ci dans les belles vidéos illustrant quelques titres, vidéos publiées sur son compte YouTube personnel. Elle puise également dans ses souvenirs, son enfance, ses déplacements d’un lieu de vie à l’autre, sa vie de famille pour concevoir le climat particulier, chaleureux et doux qui anime sa musique.

“We All Have Places That We Miss” est donc l’album idéal pour accompagner une matinée calme et sereine. Par son approche intimiste et autobiographique de la musique ambient, il s’inscrit également dans un renouvellement et une féminisation de ce genre traditionnellement pratiqué par des artistes masculins. En effet, ces derniers temps, on a assisté à l’apparition de toute une génération de jeunes femmes talentueuses qui impriment des tonalités et des préoccupations nouvelles dans ce courant déjà ancien.

Si l’australienne Madeleine Cocolas, la danoise Sofie Birch, la new-yorkaise Rachika Nayar ne forment pas un « mouvement » au sens propre du terme, elles contribuent à cette évolution actuelle de l’ambient, y imprimant des recherches sonores touchant au field recording (Cocolas), des préoccupations thérapeutiques (Birch), des influences world (Nayar). En 2022, “Spectral” de Madeleine Cocolas, “Holotropica” de Sofie Birch, “Our Hands Against the Dusk” de Rachika Nayar figuraient parmi les albums les plus passionnants et aventureux parus durant l’année. Il faut aujourd’hui y ajouter “We All Have Places That We Miss”.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *