Musical Écran, jour 2. Pour sa dixième édition, le festival international de documentaires musicaux de Bordeaux affiche une fois encore une belle programmation. Nous avons choisi d’aller jeter un œil à ce docu (qui n’est pas un film de commande, nous précise-t-on avant la projection) sur le fameux duo blues-rock qui a la particularité de ne s’être jamais séparé en 23 ans de carrière, malgré les coups durs et l’énorme succès qui a fini par leur tomber dessus.
“Un mariage forcé”. À plusieurs reprises, cette expression est utilisée pour décrire The Black Keys. Et en effet, rien ne présumait un rapprochement entre Dan Auerbach, le beau gosse capitaine de l’équipe de soccer, et Pat Carney, le geek avec la tronche qui va avec. Sauf la musique. Et une putain d’envie d’en découdre, d’y arriver. Pat joue (entre autres) de la batterie et possède un enregistreur quatre pistes, Dan apprend la guitare. Virés de la fac, ils ont du temps et commencent à répéter. Devant l’impossibilité de trouver un bassiste “qui ne soit pas un sac à merde”, ils seront un duo, ils seront The Black Keys.
À grand renfort de vidéos d’époque (début des années 2000), de photos et d’interviews de proches, ce documentaire a le mérite de nous faire revivre comme si on y était les débuts pourtant classiques d’un groupe de rock : les premiers albums qui sentent la sueur, la clope, le garage, le bourbon, les heures de bagnole pour enchaîner des concerts “payés 100 ou 200 $ », les hôtels miteux, les premières amours… Le succès arrive pourtant vite et le duo signe dès son deuxième album sur le mythique label de blues Fat Possom Records.
Pas facile d’embrasser 23 ans de carrière en 90 minutes. Si le succès grandit d’album en album jusqu’au superbe “Magic Potion” (2006), Jeff Dupre nous montre aussi les coups durs et le côté obscur de la popularité. Le fait de vivre loin de ses proches, les divorces (“Nous divorçons tous les quatre albums environ”, se marre Pat en interview) et la soif de succès. Car après quatre albums, The Black Keys visent plus grand, plus gros. C’est alors que commence la deuxième partie de leur carrière, avec l’entrée en scène de Danger Mouse, the producteur. Cette fois, les intervenants du docu sont Beck, des stars, ou l’ex-femme de Dan (“Plus ils grandissaient, plus je devenais petite”) : The Black Keys sont dans une autre dimension, avec les sacrifices qui vont avec. Les tubes s’enchaînent (Tighten Up, Lonely Boy, Gold on the Celling, etc.). Ont-ils vendu leur âme au diable pour un son plus « catchy » ? C’est ce que pensent certains fans de la première heure. Pas Beck.
Bizarrement, “This is a Film About The Black Keys” ne montre quasiment aucune scène de complicité entre Dan et Pat, deux taiseux. « Mariage forcé » ? Peut-être, finalement. À voir notamment cette scène où Pat fait les balances pendant que ”sa moitié” (“this selfish fucker”) chine dans les friperies du coin. Pourtant, ces années côte à côte, ces années sur la route, de galère et de succès ont soudé à jamais ces « Touches noires » – le nom de l’album “Brothers” sonne d’ailleurs comme une évidence. Malgré une pause de cinq ans après “Turn Blue” (2014) – qui ressemble à un « break nécessaire » dans un couple, auquel s’ajoute un burn out -, Dan Auerbach et Pat Carney se sont retrouvés, sur la route, encore.
Festival Musical Écran, jusqu’au 15 novembre à Bordeaux.