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Interviews

The Limiñanas : « C’est vraiment un disque qu’on a composé tous les trois »

C’est l’histoire d’une amitié. Une amitié née en 2017 entre les Limiñanas, duo qui nous ravit depuis plus de dix ans avec son rock garage psychédélique totalement envoûtant, et Laurent Garnier à l’occasion du festival Yeah ! que co-organise chaque année, à Lourmarin dans le Vaucluse, le célèbre DJ français. L’entente est telle entre les trois musiciens qu’ils arrivent rapidement à vouloir faire de la musique ensemble, plus précisément une musique de transe prompte à susciter l’abandon, dans la lignée de Can et de la scène allemande des années 70 que les trois compères apprécient au plus haut point. En 2019, ils commencent alors à travailler sur une composition qui deviendra le morceau “Steeplechase”.
Puis, en mars 2020, avec le confinement, comme pour tout le monde, leurs projets respectifs sont mis en stand-by. Ils profitent de l’occasion pour travailler d’arrache-pied sur l’album qu’ils voulaient faire ensemble, mais à distance, Lionel et Marie Limiñana devant rester chez eux à Cabestany et Laurent Garnier à Lourmarin, confinement oblige. Ils ne cessent alors de s’échanger des fichiers par Internet pour composer à six mains cet album racontant l’histoire de Saul et Juliette, deux adolescents du sud de la France qui tombent amoureux et partent ensemble dans un road trip aventureux et électrisant. En résulte “De Película”, un album ni totalement electro ni totalement rock mais complètement hypnotisant où l’auditeur est littéralement transporté dans une sorte d’enivrante vague psychédélique. Un album qui accueille également le chanteur Bertrand Belin, devenu un collaborateur régulier du couple catalan, ainsi qu’Eduardo Henriquez du duo Nova Materia.
Pour parler de ce disque, les Limiñanas nous ont reçus fin septembre dans la salle de L’Hydrophone à Lorient, quelques heures avant un concert d’anthologie, un grand moment d’intense transe électrique contenant notamment une reprise titanesque du “Mother Sky” de Can. Can qui a été justement un des sujets évoqués lors de cette interview où Lionel et Marie Limiñana se sont montrés affables et disponibles pour discuter longuement de ce nouvel album et d’autres choses encore.

Vous avez joué au festival Lévitation à Angers hier soir. Qu’est-ce que vous appréciez dans ce festival ? Et comment s’est passé votre concert ?

Lionel : De là où on était, on a plutôt bien vécu le concert, on s’est amusés. C’était le deuxième de la tournée, c’est donc vraiment tout frais. Ce sont encore des choses qui sont fragiles mais on a pris du plaisir à jouer. Après, c’est un festival qui est particulier parce que c’est un peu via ce festival qu’on a croisé pas mal de gens de l’équipe d’aujourd’hui, particulièrement René et Doudou qui sont les patrons de Radical Production, notre tourneur, mais aussi Florent qui est avec nous sur la route. Donc, on a un attachement un peu particulier au festival. Et aussi, c’est l’un des derniers festivals en France qui proposent ce type de programmation que tu ne peux trouver normalement qu’en Angleterre et aux Etats-Unis, entre psychédélisme et expérimental, avec des groupes un peu à part. Lévitation comme le festival d’Andrew Weatherall à Carcassonne ou celui de Laurent Garnier en Provence, ainsi que la Route du rock qu’on adore également, ce sont des destinations où tu peux encore croiser des groupes que tu apprécies alors que, la plupart du temps, on est sur des plateaux qui ne concernent pas spécialement notre scène, dans les festivals plus classiques. Là, tu peux à la fois jouer et croiser des gens dont tu es fan, c’est donc vraiment cool.

L’idée de cet album en commun avec Laurent Garnier, c’était de faire une sorte de “film pour les oreilles” racontant une histoire avec un début et une fin. Pourquoi cette idée de raconter une histoire, de faire un film sur disque, en quelque sorte ?

Ce n’était pas prémédité mais il faut bien nourrir le disque de quelque chose et, avec Marie, depuis le deuxième disque à peu près – le premier album s’étant fait un peu de bric et broc parce qu’on n’était pas partis pour faire un album, on enregistrait juste des chansons qu’on a fini par mettre ensemble –, on en a profité pour raconter des histoires. On a ainsi rempli les deuxième et troisième albums de références familiales, d’histoires de famille, d’histoires de voyages en Espagne et de choses comme ça. On a continué avec “Malamore” qui racontait aussi une histoire d’amour contrariée. “Shadow People” était lié à l’adolescence et à la période du lycée qui a été hyper fondatrice pour nous parce que c’est là qu’on a rencontré les gens avec lesquels on a appris à jouer, on a monté des groupes de rock, etc. Donc, en gros, c’est plus facile et plus excitant pour nous de travailler sur un disque dans lequel on va raconter une histoire. On ne se positionne pas du tout comme des cinéastes frustrés, ce n’est pas ça du tout. C’est juste que c’est un média qui te permet quand même de raconter une histoire et, comme c’est accompagné par la musique, on est très proche de l’état dans lequel tu peux être si tu écoutes un film au lieu de le regarder, finalement. Moi, ça m’arrive tout le temps de me coller sur mon canapé et de m’endormir en regardant un film. J’adore ce truc-là, j’adore qu’on me raconte des histoires. Gainsbourg a évidemment fait ça avant tout le monde. Cela remonte jusqu’aux histoires de l’enfance, comme quand tu achetais les disques du Petit Ménestrel et que tu passais l’après-midi à écouter “Pierre et le Loup” avec quelqu’un qui te racontait l’histoire. C’est quelque chose qu’on adore faire avec Marie et, à l’avenir, je ne nous vois pas faire un album qui ne raconterait rien ou qui parlerait de nos problèmes avec Internet ou je ne sais quelle connerie de réseaux sociaux. On n’est pas du tout là-dedans et je crois qu’on est trop vieux pour ça.

Donc, dans tous vos albums, même les prochains, il y aura toujours une histoire ?

Certainement. Il y aura de grandes chances, ou alors ce sera avec de longues plages instrumentales. Mais s’il y a du texte, ça peut être un format de film à sketches où les chansons collées l’une à l’autre vont former un tout, mais ça peut être aussi une histoire avec un lien, avec un début, un milieu et une fin.

Ce nouvel album, c’est donc l’histoire de deux adolescents qui se rencontrent et qui partent ensemble dans un road trip plein d’aventures. Concernant le personnage de Saul, le garçon, vous avez dit que vous vous étiez inspirés de vous-mêmes pour ce personnage. En quoi vous ressemblait-il ?

Je ne me suis pas inspiré de ma propre histoire. C’est juste qu’il me ressemble comme il pourrait ressembler à Marie aussi, comme à des tas de copains qu’on avait au lycée parce qu’on vient d’une génération où, dans la cour des lycées des années 80, c’était rempli de représentants de ce qu’on appelait les subcultures c’est-à-dire que c’était plein de bandes et chez nous plus particulièrement. Je ne sais pas pourquoi c’était si fort à Perpignan. A mon avis, c’est parce qu’il y a une tradition assez forte de bons libraires et de bons disquaires dans la ville et j’imagine que ça a nourri la chose. Mais quand on était gosses au lycée, si tu faisais une photographie de la cour, il y avait un coin avec des hard rockers, un coin avec des punks, un coin avec des skins, un coin avec des hippies, il y avait des rude boys, il y avait des mecs qui n’écoutaient que du ska… Et dans la génération de nos grands frères, c’était encore plus fort. On a baigné là-dedans et ça m’a vraiment nourri. On ne se foutait pas tellement sur la gueule finalement. Chacun représentait un peu ses couleurs mais on se connaissait tous, on écoutait donc la musique des uns et des autres, on se passait des films, on allait voir les concerts quand il y en avait, ce qui était assez rare chez nous. Ça nous a beaucoup nourris, ce genre de personnages qui étaient un peu au ban de la société, qui allaient au lycée par obligation mais qui allaient surtout au lycée pour rejoindre ces bandes-là et pas tellement pour étudier. Nous, on était heureux d’aller au bahut le matin parce qu’on allait retrouver les copains et préparer ce qu’on allait faire le week-end. C’était une période importante pour nous, mais je ne suis pas du tout nostalgique parce qu’elle avait aussi sa part de glauque et de choses pas très drôles. Mais c’est aussi une période de notre vie où on a beaucoup ri, beaucoup fait la fête et découvert beaucoup de choses.

Marie : Puis, tu te construis aussi, à cet âge-là.

Lionel : Ce type de personnages, aujourd’hui, on appelle ça des geeks mais, à l’époque, il n’y avait pas de mot pour ça. Tout ça a donné des gens hyper intéressants aujourd’hui. Dans le van en venant, j’écoutais une interview de Riad Sattouf, le dessinateur, et une autre d’Alexandre Astier. Typiquement, ces mecs-là, ce sont des geeks et, quand on était mômes, c’était le genre de mecs vers lesquels on allait en premier, c’est-à-dire ceux qui n’allaient pas au sport, qui passaient leur temps à mater des films de John Carpenter ou de Spielberg et qui s’intéressaient à tout autre chose que les gamins lambda de l’époque. Ce sont les personnages qui m’intéressent le plus.

Musicalement, avec Laurent Garnier, l’idée était de faire un album influencé par les groupes allemands des années 70, en particulier Can. Pourquoi cette envie de partir dans cette direction musicale ?

On connaissait Can, Kraftwerk, Neu! et tous ces groupes-là mais on les connaissait très mal. Grâce à Pascal Comelade, un après-midi en Espagne où on était chez un disquaire qui avait plein de disques de Can, j’avais demandé à Pascal par quoi commencer. Il m’avait dit les deux premiers, j’avais donc pris les deux premiers et on avait passé l’été avec Marie à écouter ça toute la journée. On avait continué à gratter, à écouter les disques de Neu! et de tas de groupes de l’époque. Je pense que, naturellement, les morceaux ont commencé à se rallonger quand on les jouait en tournée. Quand on a rencontré Laurent et qu’on a eu l’idée de faire un disque avec lui, le premier truc qu’on s’est dit tous les trois, c’est qu’on ferait un album avec de longues plages, un peu comme dans la musique allemande des années 70. On ne l’a pas vraiment fait puisqu’on ne voulait faire que trois titres et on en a fait douze…

Marie : Ça a commencé comme ça puis, petit à petit, il y a des morceaux qui sont arrivés.

Lionel : Mais, pour te répondre, c’est pour le plaisir, le plaisir de jouer sur la transe, la répétition et les riffs.

Cela donne un album plus hypnotique que vos précédents disques. C’était le but recherché ?

Ce n’était pas prémédité mais, effectivement, on allait vers quelque chose de plus proche de la transe et de la danse que ce qu’on avait fait auparavant, parce que c’était dans ce genre de musiques-là qu’on baignait au moment où on a composé et enregistré les titres avec Laurent.

The Limiñanas et Laurent Garnier, photographiés à Paris le 16 juin 2021 par Mathieu Zazzo.

C’est le fait que Laurent Garnier apporte sa patte, avec ses propres textures et structures, qui, selon vous, rend le disque plus hypnotique et le porte plus vers la transe ?

La présence de Laurent a tout changé, c’est sûr. La manière avec laquelle on a travaillé, ce n’était pas du tout un échange entre lui et nous dans le sens où on lui envoyait de la musique et lui la remixait, ce n’était pas du tout ça. C’était vraiment des compositions qui se faisaient en ping-pong, avec Laurent qui envoyait des mélodies et nous du rythme ou l’inverse. Ça dépendait des tracks et, au bout d’un moment, tout se mélangeait. C’est vraiment un disque qu’on a composé tous les trois. Donc, l’apport des uns et des autres sur la musique est complètement mélangé. Mais c’est évident qu’on n’aurait jamais fait ce disque-là sans Laurent, ça n’aurait jamais sonné comme ça.

De toute façon, votre musique est beaucoup fondée sur la répétition de motifs. Vous pensez que cette approche peut avoir ses limites par rapport à une écriture plus fondée sur la mélodie ou est-ce que c’est un terrain de jeu suffisamment vaste pour permettre plein de variations ?

Je crois à cette seconde hypothèse. Si ce n’est plus excitant, on arrêtera mais, jusqu’à présent, ça continue de me faire de l’effet, l’idée de travailler sur des bases rythmiques et sur des riffs à trois accords qui se répètent et qui montent. A mon avis, tu peux faire ça toute ta vie. Ce qui est important, c’est de trouver la bonne mélodie et le riff, ainsi que l’arrangement. Effectivement, ça peut devenir répétitif dans le mauvais sens du terme c’est-à-dire que, si on refaisait le même album la prochaine fois, il faudrait peut-être se poser des questions. Mais c’est aussi l’intérêt de travailler avec des gens différents à chaque fois, j’espère qu’on ne propose pas le même disque, album après album.

Qu’est-ce que ça vous a apporté de travailler avec Laurent Garnier ?

D’abord, on a pris du poids parce qu’on a quand même beaucoup mangé (rires) ! Ça été un premier apport, ça c’est clair. On a beaucoup ri, on a beaucoup mangé. On n’a jamais parlé de la musique avant de l’enregistrer, ça s’est vraiment fait de manière hyper naturelle et spontanée. Ça nous a apporté plein de surprises. Comme on n’était pas dans la même pièce (on a fait le disque chacun chez soi pendant le confinement), il y avait ce côté très excitant d’attendre de recevoir son boulot et j’espère que, de son côté, c’était pareil, pour ouvrir les fichiers sur WeTranfer et voir quelle gueule avait pris le thème qu’on lui avait envoyé. Ça nous a apporté de l’enthousiasme et ce qu’il nous a appris à faire, c’est à ne pas lâcher le morceau sur des choses comme le mixage, par exemple. Laurent est quelqu’un d’exigeant et c’est un bosseur. Du coup, il ne lâche jamais le morceau avant d’être totalement satisfait, ce qui était notre cas aussi mais pas à ce point-là. Il est allé vraiment loin sur le traitement et le mixage avec Scan X, l’ingénieur du son avec qui il travaille depuis toujours et qui s’appelle Stéphane Dri. On travaille aussi avec lui depuis un petit moment, c’est quelqu’un de très brillant. Le mixage a pris du temps puisqu’on écoutait et réécoutait…

Marie : On fait ça en général, quand même.

Lionel : Là, je trouve que ça allait plus loin avec Laurent. Il a été plus exigeant sur des détails, et c’est cool parce que je trouve que le disque sonne bien. Moi j’ai appris à lui envoyer moins de matière aussi parce que, au début, je lui envoyais des fichiers avec soixante pistes de guitare et il pétait un plomb ! Surtout pour quelqu’un qui travaille plutôt avec des claviers et des machines. Ça aussi, c’était drôle.

Marie : Je pense qu’on a osé plus de trucs aussi.

Lionel : Oui, ça nous a donné confiance en nous et pour lui aussi, je pense. On a essayé beaucoup plus de trucs.

Outre Laurent Garnier qui est à l’origine du projet avec vous, comment s’est fait le casting pour cet album ? Par exemple, il y a Eduardo Henriquez qui, avec Nova Materia, fait une musique qui est quand même assez différente de la vôtre…

C’est grâce à Laurent et c’est encore grâce au festival Yeah !. Au festival, Laurent avait travaillé avec Edu sur une résidence où, en trois jours, ils présentaient un live qui se construisait sur place. Il a passé du temps avec Edu et, quand on a fait la musique de “Que Calor !”, on réfléchissait à inviter quelqu’un parce que ni Marie ni Laurent ni moi ne se sentait de faire ce truc-là. On n’est pas des chanteurs du tout, on est plutôt sur du talk over, on n’a pas des voix qui poussent, en tout cas. On imaginait qu’il nous faudrait un mec entre Iggy Pop et Alan Vega, avec ce genre de personnalité. Dans les deux cas, ce n’était pas possible, pour des raisons différentes.

Marie : Le disque parle de l’Espagne aussi, il y avait également ce côté-là.

Lionel : Oui, et Laurent nous a appelés et nous a dit qu’il y avait un mec avec qui il avait travaillé, qui s’appelle Edu,  qui était dans Panico et qui ferait ça vraiment très bien. On a dit OK, on a envoyé la musique à Edu et lui a écrit le texte. Il nous a envoyé les pistes et c’était mortel. Du coup, quand on a décidé de partir en tournée, on a embauché Edu, on lui a donné la moitié de notre répertoire et il se partage le chant avec Renaud (Renaud Picard qui a rejoint le groupe il y a quelques années, NDLR).

Bertrand Belin participe aussi à cet album. Il semble devenir un collaborateur régulier pour vous. Comment s’est faite la rencontre ?

On a rencontré Bertrand en tournée en Australie. Avant ça, on avait été invités dans un festival qui lui avait laissé une carte blanche. Il nous avait programmés mais on n’avait pas pu le rencontrer, je crois que c’était à Rouen. On avait juste lu un petit texte qu’il avait écrit sur nous et qui nous avait beaucoup touchés. On savait donc qu’il nous aimait bien mais on ne le connaissait pas. Et on est partis en tournée en Australie. C’était hyper cool, c’était une espèce de caravane de groupes français, on était trois ou quatre. En gros, on avait des dates à Melbourne et des dates à Sydney. On a mis au moins 150 000 ans à arriver sur la première date, de la France à l’Australie, parce qu’on avait sans arrêt des avions qui tombaient en panne, des galères de voyage. On s’est retrouvés collés avec Bertrand et son groupe, on est devenus copains comme ça. En rentrant de cette tournée-là, j’avais envoyé de la musique à Bertrand et on a fait “Dimanche” avec lui. On a tellement aimé “Dimanche” que, quand on a fait L’Epée, on lui a aussi envoyé de la musique. Depuis, on envoie tout le temps de la musique à Bertrand pour bosser avec lui.

Donc, c’est amené à être une collaboration régulière ?

Oui parce qu’on adore sa façon d’écrire et sa façon d’interpréter. On l’aime beaucoup lui déjà mais c’est quelqu’un de vraiment unique en France, personne ne bosse comme lui.

Les Limiñanas, c’est avant tout vous deux mais vous êtes souvent entourés de musiciens et de chanteurs. Vous n’avez jamais envisagé d’être seulement en duo, comme les White Stripes ou les Black Keys ?

Non parce que, déjà, on n’a pas du tout le niveau pour faire un truc comme ça. Un duo comme les White Stripes, les Black Keys ou les Kills, ce sont des gens qui sont capables de jouer et d’interpréter et ce n’est pas notre cas du tout. En plus, au contraire, on adore le fait d’organiser, à chaque fois, une espèce de grand orchestre garage. C’était une idée qu’on avait envie de concrétiser depuis très longtemps, sur le modèle du Bel Canto Orchestra de Pascal Comelade ou du groupe de Nick Cave, sans comparaison aucune évidemment. L’idée était juste la même appliquée au style de musique qu’on préfère, qui est la musique primitive américaine et les trucs français un peu tordus. Donc, au départ, le groupe, c’était ça mais, par contre, on a choisi d’être les patrons tous les deux, de travailler à deux en studio et de faire les disques tous seuls pour ne pas être obligés de respecter une démocratie de groupe qui fait que, en général, ça part en vrille au bout d’un certain temps, ce qu’on a vécu dans nos groupes respectifs plein de fois. Quand on s’est mis à faire de la musique tous les deux, on n’envisageait pas du tout de faire des tournées, on voulait juste faire nos disques dans notre chambre, en gros. On voulait éventuellement faire des petits 45t mais ce qui était sûr, c’est qu’on voulait gérer ça à deux. Il se trouve qu’on a signé aux Etats-Unis, qu’il nous est arrivé plein de trucs super et qu’on est partis en tournée. On a mis très longtemps à monter un groupe live avec des gens qu’on aime et qui ont envie de tourner, ce qui est le cas aujourd’hui. Aujourd’hui, on est très heureux de cette formule-là. Ce qui fonctionne vraiment, c’est le fait de ne pas être sur un format classique de groupe. Mais on n’a évidemment pas du tout la prétention de jouer à deux un jour.

En studio, vous préférez quand même n’être rien que tous les deux ?

Oui. On n’est jamais allés dans un vrai studio pour faire un disque des Limiñanas, on a toujours tout fait à la maison. On fait mixer les trucs par d’autres, on fait intervenir des gens, la moitié des mecs qui jouent sur nos disques ne l’ont pas fait en enregistrant chez nous. Souvent, ce sont des trucs qu’on s’envoie par Internet. Par exemple, on n’a jamais fait de prise de voix avec Bertrand, il a toujours fait ça chez lui. Laurent Garnier n’a jamais enregistré avec nous, Peter Hook non plus. Si, Emmanuelle Seigner a enregistré à la maison mais c’est une des seules. Etienne Daho, c’était pareil, il a enregistré à Paris. La plupart du temps, on fait tout en autarcie à la maison, c’est un peu comme un cocon.

On a déjà un peu évoqué le sujet mais, vu que Laurent Garnier ne vous accompagne pas en tournée, comment s’effectue la transposition de l’album sur scène ?

On ne fait que six titres, on fait la moitié du disque. Edu vient, lui, de la musique électronique. Il est venu avec des machines, il mélange les beats électroniques avec les rythmiques de Marie et il colle des arrangements. Pour le reste, c’est le set des Limiñanas avec la formation normale.

Récemment, vous avez fait un album avec Emmanuelle Seigner et Anton Newcombe sous le nom de L’Epée. Là, vous venez de faire un album en collaboration avec Laurent Garnier. Il semble que vous appréciez plus de collaborer avec d’autres artistes en ce moment…

C’est un hasard, en fait. Au milieu, on a fait deux bandes originales de films pour “Le Bel Eté” et “The World We Knew” qu’on n’a faites que tous les deux. Le prochain album des Limiñanas, je ne pense pas que ce sera une collaboration mais peut-être qu’on ira chercher un producteur. On adorerait faire produire le disque par Warren Ellis ou par quelqu’un comme ça, quelqu’un qui nous sorte de notre zone de confort et qui nous fasse aller encore ailleurs. Mais je ne pense pas que ce sera une collaboration avec quelqu’un d’autre, sur le prochain disque.

Il n’y aura pas d’autre album de L’Epée ?

Si, on en parle tout le temps. Anton, je l’ai encore eu ce matin et on voit souvent Emmanuelle, elle vient dans le Sud très souvent. Je pense qu’on refera un disque. Te dire quand, je ne sais pas. Et avec Laurent, on en a envie aussi.

Et concernant Iggy Pop, vous aviez un projet de faire un album avec lui…

Pas un album mais des morceaux. J’espère qu’on pourra le faire un jour.

Marie : Il y a eu le Covid, ça n’a pas aidé.

Vous citez souvent Iggy Pop et Alan Vega dans les interviews, vous les avez encore cités tout à l’heure. Les Stooges et Suicide, ça fait partie de vos principales influences ?

Lionel : Oui, bien sûr. Enfin, on a écouté des tonnes de choses mais, comme par hasard, les choses qui restent, c’est ce que tu découvres quand tu es ado. Et ça a été un choc pour nous, la musique des Stooges et particulièrement les deux premiers disques, quand on était gamins. Comme toute la musique primitive américaine, puis Suicide et des tas d’autres choses, du punk américain, du punk anglais… Toutes les sixties, toute la pop des sixties. Et dans les années 60, avec Marie, on aime la musique la plus mainstream du monde. Le hit-parade français, anglais ou américain des années 60, on adore ça et, en même temps, les trucs les plus obscurs. Ça part vraiment tous azimuts. Tout ça nous a influencés. Sachant qu’on ne joue bien de rien, ça se retrouve dans notre façon d’utiliser tous les instruments, ces prises rapides, ces trucs primitifs à trois accords, comme ça pouvait se retrouver à l’époque.

Les Limiñanas sont encore en tournée dans toute la France. Les dates se trouvent ici.

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