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Jacno – Tant de Temps

JACNO – Tant De Temps
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JACNO - Tant De TempsLe dandy est de retour, après quatre ans d’absence. Jacno a traversé 30 ans de pop française en "homme de l’ombre" à l’importance pourtant cruciale. Membre fondateur, avec Elli Medeiros, d’un des premiers groupes punk français, les Stinky Toys, Jacno est la représentation parfaite du jeune homme moderne tel qu’on le définissait au début des années 80. Producteur du merveilleux "Amoureux Solitaires" de Lio (adaptation du "Lonely lovers" des Stinky Toys, chanson bien plus profonde que son apparence ne peut le laisser supposer… Ecoutez les paroles, vous comprendrez), du premier album d’Etienne Daho, ou encore du "Sous influence divine" de Daniel Darc, Jacno était présent dans les meilleurs moments de ces années 80. Il en signa d’ailleurs la bande-son, avec "Rectangle", imparable par sa simplicité, totalement kraftwerkien.
Petit aparté : il est parfois difficile, dans les années 80, de saisir la force d’un morceau, ce dernier étant la plupart du temps noyé sous une production des plus hasardeuses qui a souvent terriblement vieilli. Ce sont plutôt les références des morceaux, les titres, les invités sur les disques… toutes ces "Lipstick Traces" qui aident à distinguer les vrais des faux. Ce qui explique pourquoi Daho, les Calamités ou Jacno s’en sont sortis avec les honneurs, car on pouvait saisir, derrière leurs œuvres, une vraie culture pop, une vision de la chose… Des castagnettes "à la Spector" ou un morceau nommé "Le Grand Sommeil" en disent souvent plus long que de longs discours.
Retour vers le futur, en 2002, Jacno sortit "French Paradoxe", très bel album où se bousculaient Helena Noguerra, Arthur H, AS Dragon ou encore Thomas Dutronc, et sa magnifique partie de guitare sur l’instrumental "Lulu 2", que l’on retrouvera ensuite, habillé de mots, sur le dernier album de Françoise Hardy, "Tant de belles choses". Toutefois, l’album souffrait d’un manque de diversité : un morceau répété deux fois sous deux formes différentes ("Lulu 1" et "Lulu 2"), une reprise du "J’suis snob" de Boris Vian et de "Rectangle" ; on ressortait de l’écoute heureux mais néanmoins frustré.
Sur "Tant de temps", et ses 11 nouveaux titres, on retrouve avec joie ce sens de l’ironie et de la provocation qui plaît tant chez Jacno : "Le sport", anti-football à souhait, jouissive surtout en cette période de mondial, avec cette phrase définitive : "Ovale ou rond, un ballon c’est pour les cons". Le tout sur une rythmique stoogienne. On ne se refait pas. Punk un jour…
L’album souffre à mon sens d’une production plus rudimentaire que pour l’album précédent, qui sonnait particulièrement élégant et stylé. "L’homme de l’ombre" aurait mérité une base orchestrale plus importante, les nappes de synthés sur le refrain sont un peu frustrantes. Ce titre, description du mode de vie d’un vampire, a également une dimension autobiographique (il l’a confié un jour : "Ma profession, c’est vampire"). "Les amants, les clients", une mélodie pastorale et proche des classiques de la chanson réaliste française, sur un texte entre cynisme et poésie. "T’es mon château", exercice de style où Jacno, à la manière d’un Huysmans ou d’un Gainsbourg, énumère les vins qui l’envoûtent. L’accumulation pour cacher la vacuité de la vie… Un grand classique du dandysme.
"Avec les yeux" diffère du reste de l’album, avec une rythmique et des contre-chants qui lorgnent davantage vers l’Orient, voire la world music. Mais, là encore, la production aurait mérité plus d’ampleur. Sur "Baiser empoisonné", Thomas Dutronc débarque avec sa guitare magique et son jeu très influencé par Django Reinhardt, et c’est absolument grandiose. "Mars Rendez-Vous", duo bilingue avec Stereo Total, est très séduisant par sa démarche électro-rock. Cette démarche mutante a toujours été un des éléments-clés dans l’œuvre de Jacno. "Code 68", valse improbable chargée de voix déformées et fantomatiques, ce contraste entre la sérénité des couplets et la fausse plénitude du refrain, révèle que le détachement de Jacno ne suffit pas à faire taire certains aspects de son âme torturée. La figure impassible du dandy se fissure sur ce morceau. Etienne Daho, esthète et fidèle comme à son habitude, vient poser sa voix sur le morceau" Tant de temps". On n’oublie pas ses amis…
Bien que Jacno estime qu’un ballon, c’est pour les cons, il faut bien avouer que ce nouvel essai est transformé.

Frédéric Antona

Tous ces Mots-là
Le Sport
Tant de temps
T’es mon château
L’Homme de l’ombre
Les Amants, les clients
Si je te quitte
Avec les yeux
Baiser empoisonné
Mars rendez-vous
Code 68

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