Retour en grâce et en amour de David Lafore, avec le mini-album le plus gai et lumineux depuis longtemps même si le titre “Opéra”, centre de matière sombre jubilatoire, jette un rayon de soleil noir sur l’ensemble.
Après le David magnifique de dépression post-rupture (“Incompréhensible”, 2020), Lafore s’était perdu dans les bosquets de la schizophrénie (“La Tête contre le mur”, 2021, et “Toc toc toc”, 2023). Expérience des limites, fuite du moi, dissolution/dissociation : on était en pleine décompression…
Il semblerait que le fond de la piscine ait été touché et que nous soyons en pleine remontée dans un petit pull… marine… Faut-il s’en réjouir ? Oui, car l’amour a touché Lafore, une fois de plus, et que ce retour en grâce est lumineux et joyeux. Non, parce que la situation générale n’est pas vraiment folichonne, ni très rose. “Opéra” œuvre ainsi entre ces deux pôles très opposés qui rythment le travail de David Lafore.
Donc des textes chiadés dans la grande tradition des auteurs-compositeurs d’ici et d’ailleurs, un showman guitare solo à la Jonathan Richman, mais le David peut se montrer aussi caustique et acide que Mark E. Smith ou David Thomas de Père Ubu. Et ses albums sont tout opposés à cette manera : hyper électro, avec abus de l’inévitable vocoder qui touche les meilleurs (Stéphane Milochevitch alias Thousand).
Après tout, pourquoi choisir ? Pourquoi ne pas tout explorer ? La vie est courte et les choses qui s’passent, se passent loin (c’est tant mieux).
Alors si “Opéra”, l’album, frétille d’amour solaire (Soleil bombé) et familial (Cavalcades), il y a aussi le fantôme de l’Opéra, la chanson, avec son cortège d’images/mots hachurés-gribouillés pour incarner notre cauchemar moderne. Comme toujours, on aime les jeux de mots, le flow de foufou qui résiste à la transcription, et l’humour bien noir et serré parce qu’il nous faut bien ça.
« Dans un giga yacht de la autarcie
Phosphore chic ou cash flow noirci
Piscine champ’ ou cocaïne cosy
nitrite sec ou mégabassine »
(Opéra)
Pour le reste, on nage dans le bonheur et ça fait du bien, aussi. On ne peut pas toujours grincer des dents. On aime particulièrement ce Passerotto qui tient, nous semble-t-il, autant à Lucio Battisti qu’à Daft Punk. Et ce petit côté mélancolique, légèrement amer, qui est toujours là, y compris sur les titres les plus lumineux, lui va si bien…
Il est libre, David. Et on peut même le voir voler, comme Totò en Saint François dans Uccelacci et Uccelini (Des oiseaux, petits et gros) de Pasolini.
En attendant son passage (il est toujours sur le Départ pour des tournées infinies à la feu Damo Suzuki et donc bientôt près de chez vous), on se planque dans ses cabanes odoriférantes, ou ses cachettes à l’Opéra, pendant un soir clémentine avec un soleil couchant comme un gros chat roux. On prend tout, comme disait Pascal Bouaziz.
Avec l’aide de Johanna D, pas encore sous croquettes.